Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 7.djvu/232

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chapelle d’Italie font avec les poëmes de Metastasio. Son essai a été très-infortuné. Ce nouveau Thésée avait déjà été joué sans succès à la cour, pendant le voyage de Fontainebleau de 1765. L’auteur ne se l’est pas tenu pour dit : il a voulu être joué à Paris, et il est tombé, comme on dit, tout à plat. Il a été obligé de retirer sa pièce avant la quatrième représentation, ce qui est sans exemple à l’Opéra ; et pour comble de mortification, on y a donné aujourd’hui l’ancien Thésée à la place. Ce peuple est singulier dans ses jugements en musique, et cette ancienne religion de Lulli, si décriée aujourd’hui, subsiste cependant encore dans les cœurs. L’opéra de Mondonville est précisément aussi plat et aussi pauvre que celui de Lulli. C’est une psalmodie tout aussi assoupissante. Qu’on donne le procès entre ces deux ouvrages à juger à tous les connaisseurs en musique, et je parie qu’ils ne trouveront pas le plus faible motif de préférence de l’un sur l’autre. Cependant, l’un est sifflé avec fureur, et l’autre applaudi avec enthousiasme. Ce pauvre Mondonville est bien à plaindre. Ses airs ne feraient pas fortune dans une guinguette d’Allemagne, et, dans sa patrie, il est la victime de l’ancienne religion. Il devait se souvenir que c’est un mauvais métier que de vouloir abattre les anciens autels ; il faut les laisser tomber. Il a raisonné comme mon ami le chevalier de Lorenzi, dans une autre occasion. Une femme avait à lui parler, et lui avait donné rendez-vous un dimanche à onze heures du matin, La conversation finie, elle lui propose de le mener à la messe. Le chevalier, étonné, lui demande : « Est-ce qu’on la dit toujours ? » Comme il y avait quinze ans qu’il n’y avait été, il croyait que ce n’était plus l’usage, et que même on n’en disait plus ; d’autant que, ne sortant jamais avant deux heures, il ne se souvenait pas d’avoir vu une église ouverte.

— On avait préparé pour le jour de l’an, à la Comédie‑Italienne, une petite pièce intitulée l’Esprit du jour[1]. Cette pièce, remplie de bêtises, a été fort applaudie, et cependant n’a pas osé reparaître, parce que l’on n’avait applaudi que pour se moquer des auteurs, qui sont aussi mauvais l’un que l’autre. Le poëte s’appelle Harny, et le musicien Alexandre ; mais ce n’est pas le grand.

  1. Cette pièce fut jouée, pour la première et dernière fois, le 22 janvier 1767.