Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 7.djvu/234

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prononcé, à la rentrée de son corps, au mois de novembre dernier, un Discours sur l’administration de la justice criminelle. Ce Discours vient d’être imprimé, et forme une brochure in-12 de cent cinquante pages. M.  Servan est un prosélyte de la philosophie. C’est un magistrat fort jeune, et dont la santé est très-faible. Son discours se ressent de la bonté de son cœur, de sa jeunesse, et de la faiblesse de sa constitution. Il est fondé tout entier sur les principes du livre des Délits et des Peines. Nos philosophes se réjouissent que ce Discours ait été prononcé par un avocat général au milieu d’un parlement. S’il l’avait été par maître Omer Joly de Fleury, devant le parlement de Paris, je pourrais m’en réjouir avec eux ; mais un jeune magistrat qui se meurt de la poitrine, élevant sa voix du fond d’une province, n’a pas assez d’autorité sur les esprits pour faire la moindre impression ; et, s’il n’y prend garde, et que sa passion pour la philosophie transpire, il se fera des affaires avec son corps : car, Dieu merci, la magistrature n’est pas moins opposée au progrès de la raison en France que le clergé ; ce qui nous donne une perspective très-consolante. Une autre considération qui m’empêche de partager la joie de nos philosophes, c’est que j’ai peine à me persuader que les enfants, même les mieux intentionnés, fassent jamais grand bien. Il nous faudrait à la place des vieux magistrats jansénistes et des jeunes magistrats philosophes, des hommes d’État éclairés et intègres ; mais lorsque la sagesse et la fermeté de ces derniers se consument à repousser les traits de la calomnie, les bons citoyens se désolent et pleurent sur la patrie.

— On a publié cette année l’Almanach des muses, ou le Recueil des pièces fugitives de nos différents poëtes qui ont concouru en 1766. C’est pour la troisième fois que cet Almanach paraît, et l’idée en serait fort bonne si on pouvait l’exécuter avec un peu plus de liberté, et si celui qui s’en mêle voulait y mettre plus de goût et de soin. Ce n’est pas la peine de mettre à contribution le Mercure de France, pour nous donner un fatras de pièces qu’on ne saurait lire. M.  Mathon de La Cour, éditeur de cet Almanach, a soin de l’enrichir de notes critiques qui sont communément d’une bêtise rare. Il insère, par : exemple, dans son recueil, une pièce de vers que M.  de Saint-Lambert fit, il y a plus de douze ans, pour Mme  de Clermont d’’Amboise,