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AVRIL 1767.

ChacunLa digne et sublime Clairon
ChacunDe la fille d’Agamemnon
ChacunÀ changé l’urne en tirelire ;
ChacunEt dans la pitié qu’elle Inspire,
ChacunVa partout quêtant pour Molet
ChacunÀ la cour et chez Nicolet.

ChacunGénéraux, catins, magistrats,
ChacunGrands écrivains, pieux prélats,
ChacunFemmes de cour bien affligées
ChacunVont tous lui porter des dragées :
ChacunTant on craint de perdre Molet
ChacunEt le singe de Nicolet.

ChacunSi la mort étendait son deuil
ChacunOu sur Voltaire ou sur Choiseul,
ChacunParis serait moins en alarmes,
ChacunEt répandrait bien moins de larmes
ChacunQue n’en ferait verser Molet
ChacunOu le singe de Nicolet.

ChacunPeuple ami des colifichets,
ChacunQui portes toujours des hochets.
ChacunRends graces à la Providence,
ChacunQui, pour amuser ton enfance,
ChacunTe conserve aujourd’hui Molet
ChacunEt le singe de Nicolet.

— Le voyage de Mlle Clairon à Varsovie n’aura pas lieu cette année. Voici la lettre[1] que le roi de Pologne a écrite à ce sujet à Mme Geoffrin. Elle est datée du 20 mars 1767 :

« Ma chère maman, je vous envoie ceci par estafette pour que vous avertissiez de ma part au plus tôt Mlle Clairon de ne plus songer au voyage de Varsovie pour cette année. Je ne puis assez vous dire combien je regrette le plaisir que je m’étais promis de la voir et de l’entendre ici ; mais voici ce qui m’en prive. Dès que j’ai vu que les choses tournaient de façon à produire du trouble ici, j’ai d’abord songe à renvoyer tout mon théâtre. « Mais, m’a-t-on dit, cela annoncerait trop tôt votre opinion sur les affaires, et la connaissance de cette opinion mettra les esprits trop en mouvement avant le temps. » J’ai

  1. Elle a été imprimée dans les Éloges de Mme Geoffrin (Paris, 1812, p. 140) et dans la Correspondance, publiée par M. Ch. de Moüy, p. 279.