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CORRESPONDANCE LITTÉRAIRE.

faibles représentations à la faveur de la musique, qui a cependant médiocrement réussi. Cette musique est de M. Rodolphe, virtuose de la musique de M. le prince de Conti. Je ne veux pas la juger définitivement, parce qu’il faudrait l’avoir entendue plus d’une fois, et que le poëte spirituel de M. Rodolphe me met hors d’état de faire cet essai ; mais à la première représentation le musicien m’a presque paru aussi monotone et aussi insipide que son poëte, et je n’ai rien trouvé dans la musique qui m’ait plu à un certain point. Il est vrai que M. Desfontaines n’a jamais ménagé à son musicien l’occasion de faire un air. Tout ce petit opéra consiste en une suite de romances, de rondeaux et de couplets sans fin. M. Rodolphe a cru devoir se conformer au goût national. C’est un moyen sûr de tomber, car ceux qui se disent partisans de la musique française sont les premiers a bailler si vous leur en donnez à l’Opéra-Comique, et le petit nombre de ceux qui se connaissent en musique vous méprisent. Si M. Rodolphe donne un second ouvrage dans le goût de celui-ci, je le regarderai comme un homme sans ressource. Ce M. Rodolphe est un homme, je crois, unique en Europe, quand il joue du cor de chasse. On dit que les nouveaux directeurs de l’Opéra vont l’enroler dans leur orchestre.

Les Honnêtetés littéraires, qu’on n’a point à Paris, mais qui existent, sont une brochure de près de deux cents pages où M. de Voltaire passe en revue presque tous ses adversaires. Cela est fait particulièrement à l’honneur d’un ci-devant soi-disant jésuite, Nonotte, auteur des Erreurs de Voltaire, et de frère Patouillet, aussi compagnon emérite de Jésus, que M. de Voltaire accuse d’avoir fait le mandement de l’archevêque d’Auch contre lui. La Beaumelle attrape aussi quelques douzaines de coups d’étrivières en passant. En vérite, M. de Voltaire est bien bon de se chamailler avec un tas de polissons et de maroufles que personne ne connaît. Ce La Beaumelle et ses impertinences sont oubliés depuis plus de dix ans. J’ignorais jusqu’à l’existence du P. Nonotte, et je n’ai jamais pu parvenir à lire le mandement de l’archevêque d’Auch, quelque peine que je me sois donnée pour le voir. Mais notre patriarche n’a jamais oublié aucun de ceux à qui il avait des remerciements a faire. Au reste, sa brochure n’est pas gaie. C’est qu’il se fâche et qu’il écrit avec passion ; et assurément il n’y avait pas de quoi se fâcher