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projets du tombeau pour m. le dauphin.

Nota. Le roi voulant entrer dans les vues de madame la Dauphine, on demande que la composition et l’idée du monument annoncent la réunion future des époux.


Premier projet.

J’élève une couche funèbre. Au chevet de cette couche, je place deux oreillers. L’un reste vide, sur l’autre repose la tête du prince. Il dort, mais de ce sommeil doux et tranquille que la religion a promis à l’homme juste. Le reste de la figure est enveloppé d’un linceul. Un de ses bras est mollement étendu : l’autre, ramené par-dessus le corps, viendra se placer sur une des cuisses, et la presser un peu, de manière que toute la figure montre un époux qui s’est retiré le premier, et qui ménage une place à son épouse. Les anciens se seraient contentés de cette seule figure, sur laquelle ils se seraient épuisés ; mais nous voulons être riches, parce que nous avons encore plus d’or que de goût, et que nous ignorons que la richesse est l’ennemie mortelle du sublime. À la tête de ce lit funéraire, j’assieds donc la Religion. Elle montre le ciel du doigt, et dit à l’épouse qui est à côté d’elle, debout, un genou posé sur le bord de la couche, et dans l’action d’une femme qui veut aller prendre place à côté de son époux : « Vous irez quand il plaira à celui qui est là-haut. »… Je place au pied du lit la Tendresse conjugale. Elle a le visage collé sur le linceul ; ses deux bras, étendus au delà de sa tête, sont posés sur les deux jambes du prince. La couronne de fleurs qui lui ceint le front est brisée par derrière, et l’on voit à ses pieds les deux flambeaux de l’Hymen, dont l’un brûle encore et l’autre est éteint.


Second projet.

Au pied de la couche funèbre, je place un ange qui annonce la venue du grand jour. Les deux époux se sont réveillés. L’époux, un de ses bras jeté autour des épaules de l’épouse, la regarde avec surprise et tendresse ; il la retrouve, et c’est pour ne la quitter jamais. Au chevet de la couche, du côté de l’épouse, on voit la Tendresse conjugale, qui rallume ses flam-