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CORRESPONDANCE LITTÉRAIRE.

testable au premier accessit de chaque promotion, et, en vertu de ce droit, son discours sur les avantages de la paix a fait regretter à l’Académie de n’avoir pas un second prix à distribuer ; c’est la formule. Mais comme les regrets de l’Académie et les honneurs de l’accessit sont stériles, et que M. Gaillard, en partageant, il y a deux ans, le prix de l’éloge de Descartes avec M. Thomas, a éprouvé tout le poids du vers de la Henriade :

Tel brille au second rang qui s’éclipse au premier,


il a fallu songer à un tempérament qui, sans placer M. Gaillard sur la même ligne que M. de La Harpe, lui procurât cependant quelque avantage réel pour tous les avantages de la paix que son discours versait sur l’Europe en abondance. Et tout de suite il s’est trouvé un nouvel anonyme qui, informé des regrets de l’Académie, lui a fait remettre vingt-cinq louis pour une autre médaille à accorder avec l’accessit au discours de M. Gaillard. Qu’on dise après cela que les patriotes sont rares parmi nous ! Il est vrai que de méchantes langues ont prétendu que cet inconnu généreux était M. Gaillard lui-même, en observant que de pareilles générosités lui procureront des couronnes académiques sans le ruiner. Il donnera d’une main ce qu’il reprendra de l’autre, et il en sera quitte pour la façon de la médaille en laquelle il faudra convertir ses espèces ; et même, comme il dépend de celui qui remporte le prix ou de se faire délivrer la médaille, ou d’en prendre l’équivalent en or, il est évident que M. Gaillard, en se couronnant ainsi lui-même, ne fera aucune dépense, et n’a d’autres frais à supporter que ceux de l’incognito. Il est vrai que si les prix qu’il distribue de cette manière ne le ruinent pas, ceux qu’il gagne par la même opération ne l’enrichiront pas ; mais, après tout, il ne faut pas croire ce que disent de mauvaises langues, et je suis persuadé que M. Gaillard n’est pas capable d’envoyer en cachette à l’Académie le prix d’un accessit qu’il a remporté.

Remarquez, je vous supplie, combien il est aisé et peu coûteux en ce siècle de faire de grandes choses et d’être utile au genre humain. Les trois prix gagnés en France, en Hollande et en Suisse ne monteront qu’à une somme de dix-huit cents livres. C’est tout ce qu’il en coûtera au bon Israélite anonyme