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CORRESPONDANCE LITTÉRAIRE.

même. Deux volumes in-12[1]. On n’a pas besoin de recourir à l’original pour sentir que ce roman est traduit avec beaucoup de négligence ; malgré cela, on le lit avec plaisir. Ce n’est pas un ouvrage de génie, mais cela est plein de naturel et de vérité, et écrit gaiement, quoique cela n’ait pas la verve des romans de Fielding. Le but moral en est bon aussi, parce qu’il tend à prouver que l’homme juste au milieu de ses adversités et de sa détresse est moins à plaindre que le méchant au milieu de sa prospérite, et cela est prouvé fort gaiement, sans effort, sans emphase, sans pédanterie. J’aime ce roman, j’aime M. Primrose, ministre de Wakefield ; j’aime sa bonhomie, sa simplicité d’esprit, sa résignation dans les malheurs. Il me semble que j’ai vu des gens faits comme lui. Ses sermons et ses conversations morales sont la plupart du temps pauvrement raisonnés ; mais j’aime cette platitude, parce qu’elle est de caractère, et qu’elle a un coin d’originalité. Son aversion pour les seconds mariages, et la controverse dans laquelle il s’embarque à ce sujet, sont supérieurement trouvés. J’aime aussi le caractère de Mme Primrose, et toute la famille Primrose. Le personnage de M. Burchell est aussi supérieurement trouvé. Je ne connais pas l’auteur de ce roman. C’est certainement un homme de beaucoup de talent, qui fait facilement et naturellement, qualité précieuse et rare. Il a un peu depêché son dénoûment. En se pressant moins, il eut été aisé de le rendre parfait : car il est bien combiné, et comme il est tiré du fond du sujet, il n’était pas difficile de lui donner le degré de vraisemblance nécessaire dans toutes ses parties ; mais l’auteur, pressé de finir, n’a pas voulu en prendre la peine.

— Les autres romans se réduisent pour cet ordinaire a trois : L’Amitié scythe, ou Histoire secrète de la conjuration de Thèbes[2]. Sujet grec, renfermé dans un petit volume in-12 de près de deux cents pages soporifiques. Les Deux Amis ne font qu’un petit conte de cent pages. Le Peintre italien, ouvrage

  1. Quérard attribue cette traduction souvent réimprimée a Mme de Montesson ou à un sieur Rose, alors réfugié en Angleterre ; il ajoute qu’elle a été également attribuée à un avocat au Parlement, nommé Charles, qui aurait traduit de l’anglais en 1766 le Lord impromptu, mais il oublie que cette nouvelle de Cazotte est une œuvre originale et non une traduction.
  2. À Issedon, et se trouve a Paris chez Vente, 1767, in-12.