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CORRESPONDANCE LITTÉRAIRE.

notre cruauté ! C’est un spectacle bien déplorable que de voir à quel point l’esprit de parti aveugle et pervertit. L’archevêque de Paris n’a pas certainement une âme dure et farouche. On a souvent vanté sa charité, sa douceur, mille vertus qui caractérisent un cœur plein d’humanité, et je n’ai nulle peine à y croire. Cependant ce prélat a voulu obliger l’auteur de Bélisaire de reconnaître deux points : 1° le droit qu’ont les souverains de forcer les consciences en faveur de la vraie religion ; 2° le devoir d’user de ce droit avec modération. Mais qu’on lui demande ce qu’il appelle modération, et il ne voudra pas peut-être allumer des bûchers ni dresser des potences ; mais il remplira sans regret les prisons et les galères d’honnêtes et d’utiles citoyens qui n’ont d’autre tort avec leur prince que de se servir d’une formule de prière différente de la sienne, et d’entendre autrement que lui des choses ou personne n’a encore rien compris. On sait que rien n’est si aisé que de s’accorder sur les caractères de la vraie religion.

Le résultat de toutes les conférences de l’auteur de Bélisaire avec M. l’archevêque de Paris et les docteurs de Sorbonne, c’est que la Sorbonne publiera une censure de son livre, et le prélat peut-être aussi une instruction pastorale. Pis n’aurait pu arriver si M. Marmontel avait suivi l’avis de ses amis, et qu’il se fut tenu tranquille et paisible chez lui.

M. l’abbé Mauduit, qui prie qu’on ne le nomme pas, a envoyé de Ferney une seconde anecdote que je ne trouve pas aussi bonne que la première. Un bachelier ubiquiste vient en ce moment de publier une feuille intitulée les Trente-sept Vérités opposées aux trente-sept Impiétés de Bélisaire. Ce bachelier est malin, il présente les contradictoires des propositions de Belisaire que la Sorbonne a déclarées censurables dans son Indiculus, et il soutient que tout bon catholique est obligé de souscrire à ses propositions. l’Indiculus lui a souvent donné beau jeu. Ainsi, suivant la Sorbonne et le bachelier ubiquiste, la vérité ne luit point de sa propre lumière, et on peut éclairer les esprits avec les flammes des bûchers. Item, Il faut bien se garder de sauver tant de monde, il est fort bon qu’il y ait beaucoup de réprouvés. Et ainsi du reste. L’avis au lecteur qu’on lit à la tête est trop long, froid et sans sel ; M. l’abbé Mauduit l’aurait fait beaucoup plus gai. Les propositions extraites de Bélisaire, et les contra-