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CORRESPONDANCE LITTÉRAIRE.

jeunesse avec tous les autres avantages, et, à l’âge de près de cinquante ans, elle jouait encore les rôles d’une fille de quinze ans sans être déplacée ni ridicule. Son jeu était en général plein de grâce et d’ingénuité, et l’on peut dire quelle a créé ces rôles de naïveté et d’enfance que plusieurs de nos poëtes ont faits plutôt d’après son talent que d’après la nature. Dans la tragédie, sans avoir beaucoup de force, ses larmes étaient si belles et si intéressantes ! On lui a reproché de la monotonie dans ses inflexions ; mais c’était la monotonie la plus séduisante. La tendresse paraissait avoir pétri le caractère de cette actrice célèbre ; c’était son triomphe, et dans les rôles de théâtre, et dans ceux de la vie. Avec tant de charmes, il n’était pas étonnant qu’elle tournât la tête à toute l’élite des jeunes gens qui entraient dans le monde ; et si l’on en croit la renommée, sa sévérité et sa résistance n’étaient jamais poussées à l’excès. L’idée de faire des malheureux lui était pénible. Ils disent que cela leur fait tant de plaisir, disait-elle avec sa voix douce. Comme cette disposition à la miséricorde la mettait dans le cas de manquer souvent à des engagements pris, on lui a souvent imputé une fausseté et une duplicité qu’elle n’avait pas ; ses ruses et ses subterfuges dans le commerce et dans les affaires d’amour étaient une suite inévitable de sa faiblesse et de la facilité de son caractère. Dans les dernières années de sa vie théâtrale, elle a eu la sottise d’épouser un danseur qui a eu de mauvaises façons pour elle. Ce vilain homme mourut il y a quelques années, et comme il avait fait longtemps le métier de courtier et d’agioteur, il lui laissa de la fortune. Depuis cette époque elle est tombée dans la grande dévotion, et, toujours entourée de prêtres, elle a fait dans les dernières années de sa vie l’édification de sa paroisse. Il est naturel qu’un esprit sans principes et une âme sans consistance, lorsque les douces erreurs de l’amour se sont dissipées, se livre à d’autres illusions et à des regrets qui obligent un cœur sensible à se rappeler les tendres égarements de sa vie par forme de pénitence.

— Il est sorti de la manufacture de Ferney une petite brochure intitulée Homélies prononcées à Londres en 1765, dans une assemblée particulière. Ces Homélies sont au nombre de quatre : la première contre l’athéisme, la seconde contre la