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CORRESPONDANCE LITTÉRAIRE.

triarche de Ferney la couronne du martyr pour l’ardeur avec laquelle il travaille au salut des âmes, et qui ne saurait manquer d’avoir à la longue les suites les plus efficaces.

Revenons au fragment des Instructions d’un prince. L’auteur y parle à son cousin, et l’on a prétendu que ce fragment était adressé au prince royal de Suède, au nom d’un prince de la maison de Prusse. Mais il ne s’y agit de rien de relatif à la Suède. L’écrit peut s’adresser a tout prince protestant indistinctement ; il n’y est question que d’attaquer les usurpations de l’Église romaine sur l’autorité légitime des souverains, et de combattre les principes absurdes sur lesquels cette usurpation s’est établie. Les abus les plus frappants de la constitution française dans l’administration de la justice et des finances sont relevés avec une grande sincérité. Ainsi le but de l’auteur n’est point ici de donner des principes d’éducation pour l’héritier présomptif d’une couronne, mais de déferer, sous le litre de Fragments d’instruction, au tribunal de la raison universelle des usages aussi absurdes qu’anciens sur lesquels le gouvernement de la France a pris sa forme. Vous croyez bien que la vénalité des charges est comptée parmi ces beaux usages. Plusieurs des idées de l’auteur ne seront point enregistrées par les parlements. Il a fait voir par exemple l’incohérence qu’il y a entre un office de judicature et le droit qu’on y a associé d’influer par l’enregistrement sur la législation et sur les affaires publiques. Il serait à désirer, suivant notre auteur, que les provinces eussent des états, que le droit de remonter au souverain appartînt à ces états, et que de simples juges fissent leur métier et ne fussent pas distraits de la fonction de juger des procès.

Ce Fragment d’instruction ne traite donc point de l’éducation d’un prince, et ne peut dispenser aucun philosophe de proposer ses idées sur cet objet important. Nous n’avons encore rien de satisfaisant là-dessus, et les premiers éléments de cette grande science, bien loin d’être incontestables, ne sont encore ni établis ni même connus. Il en est des livres élémentaires sur l’éducation d’un prince comme de ceux qui traitent des principes des beaux-arts. Il faudrait que l’exemple précédât le précepte. C’est l’Iliade et l’Odyssée, ce sont les pièces de Sophocle et d’Euripide, qui ont fait trouver la raison poétique des poëmes épiques et des tragédies ; les plus sublimes tableaux étaient