Fanier la suit de loin, mais son ami Dorat
Fréquente trop souvent chez elle.
Que sait-on ? Il peut plaire ; il est jeune, elle est belle ;
On ne croit plus à l’amour délicat.
Ah ! quel plaisir si sa sagesse
Pouvait faire le moindre écart !
Parmi nous, c’est une bassesse
De vouloir ennoblir son art.
Vous avez sous les yeux un si noble modèle :
La Beauménard[1] ; elle a joui de ses beaux ans.
Sachez vous avilir comme elle,
Et semez dans votre printemps ;
Ruinez par raison vingt ou trente personnes :
Qu’importe ? Vous pourrez peut-être quelque jour,
Quand vos affaires seront bonnes,
Vous abandonner à l’amour.
Se défera des rôles de soubrette
En faveur de Luzy, qui, jouant plus souvent,
Pourra joindre aux attraits le charme du talent,
Pourvu qu’elle renonce à ses fades grimaces,
À sa minauderie, à sa prétention :
L’air emprunté gâte toujours les grâces,
Et la nature plaît sans affectation.
Fanier travaillera, c’est chose essentielle :
Notre but est d’instruire, et non pas de louer ;
Nous sommes, malgré nous, forces de l’avouer,
Son talent est plus jeune qu’elle.
Du reste, désirant soulager la Gautier[2]
Qui se plaît dès longtemps, et plaît dans son métier,
Ordre à la Bellecour qu’il faut que l’on réforme,
Vu, sans d’autres raisons, et son air et sa forme,
- ↑ Aujourd’hui la femme de Bellecour. Fameuse courtisane en son temps. Son air effronté a toujours fait tort à sa beauté. Elle n’a jamais été bonne actrice ; mais
elle devient tous les jours plus grosse et plus détestable. (Grimm.) - ↑ Ou Mme Drouin. Elle joue depuis quelques années les rôes de caractère avec succès. (Id.)