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CORRESPONDANCE LITTÉRAIRE.

d’avoir la facilité et l’élégance des mœurs de son contemporain, Philippe d’Orléans, régent de France, qu’il me le serait à moi de danser la chaconne comme Dupré ou Vestris. Ceux qui s’étonnent qu’un esprit aussi géométrique que Pascal ait pu croire à la transsubstantiation ne se doutent pas que du temps de Pascal ils auraient été capucins. M. Bazin nous dit qu’il faut bien nous mettre dans la tête que tous les législateurs ont été des hommes d’un grand esprit et d’un grand sens. Cela est certain ; mais il faut que M. Bazin se mette bien dans la tête que de tous ces grands hommes il n’y en a pas un seul qui ait eu une idée commune avec lui, qui n’est pourtant pas un polisson, ni approchante des idées des Voltaire et des Montesquieu, qu’un sentiment de vanité très-juste nous fait citer avec complaisance.

Une observation importante, c’est que les hommes ne sont pas absurdes pour le plaisir de l’être, et que les usages les plus bizarres, les plus extravagants en apparence, ont eu dans leur institution un motif raisonnable. Si vous voulez développer la théorie des religions et de leurs cérémonies, ne perdez jamais cette observation de vue. Voilà pourquoi l’histoire de l’Égypte serait pour nous si intéressante, malgré le peu de cas peut-être qu’on doit faire du génie de ses habitants. Ce n’est pas dans les contrées heureuses qu’il faut chercher les monuments les plus curieux de l’esprit humain ; c’est dans les pays sujets aux catastrophes, et dont les autres peuples ont tiré par suite de commerce les maladies contagieuses et les autres calamités physiques. L’Égypte nous a procuré ces agréments, soit par l’avantage de sa propre situation, soit par son commerce immédiat avec l’Éthiopie, qui paraît être le foyer de la peste et des autres douceurs dont la Providence a voulu combler le genre humain. Ainsi, c’est dans l’Égypte qu’il faudrait chercher la clef de toutes les cérémonies religieuses qui se sont répandues parmi les nations, et dont la plupart nous paraissent si incompréhensibles. Une nation heureuse ne s’occupe guère de ses dieux, comme ses dieux ne pensent guère a elle : car vous savez que quand les dieux visitent un peuple, ils arrivent ordinairement avec un cortège de calamités et en fort mauvaise compagnie.

Ces observations m’ont mené plus loin que je n’avais