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JUILLET 1767.

ral très-sévère ; mais je voudrais que M. le neveu s’arrêtât là, et qu’il n’outrât pas l’éloge des Turcs. Malgré tous les éloges qu’il leur prodigue, on ne peut se dissimuler que ce ne soit un peuple barbare, et je doute que feu M. l’abbé Bazin, qui était un homme de très-bonne compagnie et qui aimait les Turcs tendrement, eut préféré le séjour de Constantinople à celui de Paris. Il faut être juste et convenir que, dans son origine, la religion chrétienne a puissamment influé sur la police des États, et par conséquent sur le bonheur public des nations. Non-seulement l’abolissement de l’esclavage, déclaré incompatible avec ses principes, a été un grand acheminement à une meilleure police ; mais les extraits baptistaires et les extraits mortuaires, suites des cérémonies chrétiennes, et plusieurs autres de ses usages inventés pour constater l’histoire de chaque individu dans presque tous les instants intéressants de son existence, ont été les véritables causes par lesquelles des troupeaux d’hommes assemblés en nations ont enfin été changés en sociétés de citoyens. Le tort de la religion, c’est d’être devenu entre les mains des prêtres un instrument d’ambition et de cruauté, et d’avoir pesé sur les peuples d’une manière si insupportable qu’ils ont dû se résoudre ou de succomber sous son joug, ou de le secouer.

Je laisse au neveu de M. Bazin le soin d’éclaircir avec M. l’abbé Larcher la grande question de philosophie spéculative, comment Sara à l’âge de soixante-quinze ans a pu être d’une beauté aussi ravissante et si dangereuse pour le repos du roi d’Égypte et d’un autre roitelet de Gerar ; je crois que M. l’abbé Larcher a donné ici un beau jeu au neveu de M. Bazin. Il lui a cité, à propos de Sara, l’exemple de Ninon Lenclos, et vous imaginez aisément quel parti le neveu sait tirer de cette rare bêtise. M. Larcher le répétiteur est une de ces bêtes scientifiques créées exprès pour le déjeuner des Bazins et autres plaisants de sa trempe.

Quand le neveu de M. Bazin se moque de ce que les anciens historiens ont rapporté de la ville de Thèbes en Égypte, il me paraît avoir grande raison. Bossuet a très-mal fait de répéter ces exagérations dans son Discours sur l’histoire universelle, et Rollin a fort mal fait de copier Bossuet. Ils n’étaient philosophes ni l’un ni l’autre ; aussi leur réputation ne pourra être durable. Ils content, d’après les anciens, que la ville de Thèbes