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CORRESPONDANCE LITTÉRAIRE.

avait cent portes ; que de chacune de ces portes il sortait dix mille combattants, sans compter deux cents chariots armés en guerre par porte : ce qui fait un million de soldats, et encore quarante mille goujats en n’en comptant que deux par chariot. M. Bazin a raison de présenter ce petit total à la considération des bonnes âmes qui savent calculer. En général il y a contes et comptes dans les anciens historiens. Il ne faut pas rejeter les premiers pour cause de singularité, parce que même ce qu’ils ont de faux a eu un fondement réel ; il ne faut pas passer les derniers, parce que les hommes sont naturellement exagérateurs, et que depuis que le monde est monde, les calculs politiques ont toujours été outrés et hasardés. Je supplie seulement feu M. Bazin de s’en souvenir quand il est question de Chinois, qui sont, après les Turcs, ce qu’il aime le plus tendrement.

Il aime aussi bien les disciples de Zoroastre, et vous trouverez à cette occasion dans la Défense de mon oncle trois vigoureuses sorties contre l’évêque de Glocester, Warburton, qui a déjà été, ainsi que madame son épouse, en butte aux traits du célèbre John Catilina Wilkes. Il faut que l’évêque Warburton ait molesté feu l’abbé Bazin dans quelque pamphlet, car, indépendamment des trois sorties dont je viens de parler on m’assure que le neveu de M. Bazin a encore fait une autre brochure tout exprès contre M. Warburton, où ce dernier est très-maltraité. Ne connaissant point les pièces du procès, je ne puis juger du fond de la querelle ; mais je condamne celui des deux qui le premier a mis de la dureté dans cette dispute, et je donne double tort a celui qui a rendu injure pour injure, parce que, pouvant prêcher d’exemple et donner a son frère une leçon de politesse, qui doit toujours être en raison inverse de la diversité des sentiments, il en a volontairement perdu l’occasion.

Dans le dix-huitième chapitre, le sentiment de M. de Buffon, qui prétend, d’après Telliamed, que notre continent a été successivement couvert par les eaux de la mer, est combattu avec autant de liberté que de politesse ; c’est précisément comme je veux qu’on dispute. Je voudrais seulement que ce chapitre fut aussi profond qu’il est plein d’égards pour l’auteur de l’Histoire naturelle ; mais malheureusement il est très-superficiel. M. Bazin n’est pas aussi grand naturaliste que bon philosophe. Il faut que, dans ses grands voyages d’Europe, d’Asie et d’Afri-