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JUILLET 1767.

que, il soit toujours resté en plaine ; certainement il n’a pas assez grimpé les montagnes dans ses voyages. S’il avait tant soit peu examiné les couches immenses de coquillages, de poissons et de productions marines pétrifiées, dont la plus grande partie de notre continent et particulièrement les plus hautes montagnes sont couvertes, il ne serait pas tombé dans l’énorme puérilité de dire que parce qu’un voyageur aura laissé tomber par mégarde une huître en Berry ou en Touraine, et que cette huître s’est pétrifiée dans le sein de la terre, il ne s’ensuit pas qu’elle ait été apportée la par les flots de la mer. Je me serais rangé du côté de M. Bazin s’il n’avait voulu qu’attaquer l’opinion que l’Océan change de lit insensiblement, et qu’à mesure qu’il découvre un nouveau continent en se retirant, il inonde l’ancien. Je ne crois pas que cette révolution se fasse par progrès insensibles, et M. Bazin dit d’assez bonnes raisons pour en démontrer l’impossibilité ; mais on ne saurait examiner notre continent avec tant soit peu d’attention, on ne saurait fouiller dans son sein sans rester entièrement convaincu qu’il a longtemps servi de lit aux eaux de la mer. Sans qu’il existe aucun instrument historique qui l’atteste, je crois qu’il n’y a point de vérité qui puisse être poussée à un plus haut degré de certitude. Voulez-vous savoir maintenant comment notre globe a pu prendre sa forme actuelle ? Réfléchissez sur l’action du feu, de l’air et de l’eau, sur les formes diverses de ces trois éléments et sur leurs combinaisons, sur les explosions et les révolutions qu’ils peuvent occasionner. Si un tremblement de terre peut faire sortir une île du sein de la mer, une force plus grande peut élever un vaste continent au-dessus des eaux de l’Océan. Toutes les hautes montagnes sont remplies de bouches de volcans qui ont indubitablement vomi du feu, comme les épaisses couches de lave répandues autour le certifient, quoique aucun monument historique n’en fasse mention. Ces volcans ont donc cessé de jeter du feu avant les temps historiques. On n’a jamais entendu parler de volcan en France ; cependant l’Auvergne en est remplie, tout voyageur peut s’en convaincre ; ces volcans ont donc fini de jeter du feu avant notre ère de la création du monde ou du moins du déluge. Il est évident d’ailleurs pour tout bon esprit que les hautes montagnes n’ont pu se former que par un effort des plus violents de la nature, dont l’œil du naturaliste découvre partout