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JUILLET 1767.

pour examiner votre bouillon, vous trouverez dans votre bouteille une république d’êtres vivants. Vous ne direz pas ici qu’un insecte qui s’est glissé dans la bouteille malgré les précautions prises à causé toute cette peuplade, car cet insecte aurait été brûlé et noyé dans le bouillon bouillant. Mais faut-il tant de raisonnements ? L’étude de la nature, secondée par la réflexion, apprendra à tout homme qui a des yeux et du sens qu’il n’y a point de matière morte, et qu’avec de la matière et du mouvement tout se crée et se détruit, depuis le grand philosophe jusqu’au petit insecte dont il doit être la pâture. Il nous sied bien d’affirmer que la nature ne peut produire que par les lois de génération que nous connaissons !

Je sais bien que cette opinion que la putréfaction ne peut rien produire tient immédiatement au système religieux de l’auteur. M. Bazin est zélé déiste, et il craint qu’en admettant la proposition contraire, on n’en tire des arguments contre une cause première, intelligente, créatrice et conservatrice de l’univers ; mais le premier devoir d’un philosophe, c’est de ne jamais déguiser ni affaiblir la vérite en faveur d’un système. Vous lirez dans la Défense de mon oncle un dialogue sur cette cause première entre Platon et un jeune épicurien d’Athènes. Ce dernier a exactement le ton, la facilité de mœurs, l’ignorance et la suffisance d’un petit-maître de Paris des plus élégants et des plus à la mode. Si les arguments de Platon-Bazin ne sont pas aussi concluants pour un philosophe que pour un petit-maître ignorant et superficiel, tous conviendront du moins que la description anatomique que Platon donne de la structure du corps humain est un chef-d’œuvre de style.

Dans la diatribe suivante, M. Bazin s’étend de nouveau sur l’Égypte ; mais je le conjure de nouveau, pour l’intérêt de son salut, qui m’est cher, de ne jamais parler qu’avec un saint respect de toutes les absurdités égyptiennes. S’il est vrai, comme le prétend notre abbé de Galiani, appuyé sur l’opinion des plus graves docteurs, que l’homme est né en Éthiopie, du mariage d’un singe avec une chatte sauvage ; s’il est vrai que ses vertueux parents, voyant son mauvais naturel, n’ont pas voulu le reconnaître, l’ont chassé du pays et contraint de s’enfuir en Éypte, où, se trouvant dans une terre ingrate, il a été obligé de travailler malgré lui et de se réunir par conséquent en société,