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CORRESPONDANCE LITTÉRAIRE.

M. Bazin ne peut se cacher que l’Égypte est nécessairement le berceau de toute religion, de toute loi, de toute police, et qu’un bon critique ne doit jamais en approcher sans le plus profond respect.

Les travaux immenses dont les monuments s’y conservent et étonnent, lors même que l’utilité publique moins qu’une vanité excessive paraît en avoir été le principe, ces travaux, dont les ruines sont encore si merveilleuses, font naître une idée bien grande et bien naturelle. C’est que si le travail de l’espèce humaine entière était sans cesse et sans distraction dirigé vers un but commun et utile au genre humain, de sorte que le travail d’aucun homme ne fût jamais ni contraire à ce but ni perdu pour ce but, on ne pourrait plus calculer ce que l’homme ne serait pas capable d’entreprendre avec succès, ni fixer les bornes de l’impossibilité à ses efforts. Il réussirait à la longue à se rendre maître des éléments, à changer les climats, à démolir les montagnes, à creuser des canaux, à établir des communications entre tous les fleuves ; que sais-je ? à rendre le chemin d’ici à la Chine par terre aussi facile que la route de Paris à Lyon. Si vous doutez de la possibilité de ces prodiges, étendez votre vue sur toute la terre, voyez ces bras, ces mains innombrables, tous occupés au travail ; considérez combien, en un seul jour de travail perdu pour l’utilité commune, ou même contraire à son but, depuis les arts les plus frivoles comme celui de faire du galon et de la dentelle, dont les monuments s’anéantissent d’une année à l’autre sans aucun avantage pour les hommes, jusqu’à l’art le plus funeste, celui qui détruit en peu d’instants les efforts de plusieurs siècles ; et ce coup d’œil pourra vous faire sentir ce que pourrait la masse des forces du genre humain dirigées par une intelligence toujours subsistante. Le genre humain ainsi ordonné, et dirigé par sa nature de génération en génération, fournirait aussi une preuve sans réplique de l’existence de Dieu.

La Defense de mon oncle est terminée par l’Apologie d’un général d’armée attaqué par des cuistres. C’est l’apologie de Bélisaire contre les cuistres de Sorbonne. Le cuistre Cogé n’y est pas oublié, mais ce cuistre mériterait des étrivières mieux appliquées. Il vient de faire une nouvelle édition de son Examen de Bélisaire, et cette édition, fort augmentée, est d’une violence extrême. Si ce cuistre était le maître, il brûlerait les philoso-