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JUILLET 1767.

phes comme des pastilles, et leur parfum serait bien délicieux pour son nez. M. Bazin, en prenant la défense de Bélisaire contre les cuistres, en fait en même temps la critique avec beaucoup de finesse et de ménagement. Il fait sentir qu’il n’est pas bien sûr que Belisaire ait été un si grand homme, encore moins un homme si vertueux, et qu’il n’est pas bien fait peut-être de travestir ainsi des caractères historiques, et d’accorder les honneurs de la vertu, de la justice, du désintéressement, etc., à qui ne les connut jamais. Il remarque aussi que le vieux malin singe de Justinien devait être très-content de la doctrine de l’aveugle sur la rémission des péchés, parce que personne n’en avait plus besoin que lui. Tout cela est écrit avec une gaieté infinie. Une femme d’esprit disait ces jours passés, après avoir lu la Défense de mon oncle, que M. de Voltaire tombait en jeunesse.

M. Bazin devrait sortir de son tombeau comme l’ombre de Ninus, pour ordonner à son petit-neveu de soixante-treize ans de ne jamais se départir de ce ton de gaieté dans ses querelles. Comment M. de Voltaire peut-il être si dissemblable à lui-même ? Il vient d’imprimer un mémoire contre La Beaumelle, qu’il dit avoir présenté au ministre. De ce mémoire à celui de Pompignan présenté au roi, il n’y a qu’un pas. C’est toujours des notes que La Beaumelle a faites sur le Siècle de Louis XIV qu’il s’agit. M. de Voltaire prétend que ce vil scélérat (c’est l’épithète dont il l’honore) en prépare une nouvelle édition. Il le défère en conséquence aux ministres de Sa Majesté comme traître et calomniateur de Louis XIV, du duc de Bourgogne, père du roi, et de plusieurs autres grands personnages ; il le défère aux maisons d’Orléans et de Condé comme ayant outragé leurs maîtres. Il soutient que La Beaumelle lui a écrit quatre-vingt-quatorze lettres anonymes remplies d’injures atroces. Est-il possible qu’un homme qui a écrit la Défense de mon oncle écrive presque au même instant ces pauvretés ? Ce mémoire est aussi triste que violent. Il est singulier que M. de Voltaire n’ait jamais pu être plaisant avec La Beaumelle. Ce La Beaumelle est un mauvais sujet qui ne méritait pas l’honneur d’être seulement remarqué par lui. Il est retiré depuis plus de douze ans dans le Languedoc, sa patrie, ou il a épousé une jeune veuve, sœur de ce M. de Lavaysse, célèbre par le procès