Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 7.djvu/396

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
386
CORRESPONDANCE LITTÉRAIRE.

du malheureux Calas ; cette veuve n’a pas consulté ses parents sur le choix d’un second époux. La Beaumelle depuis ce temps végète oublié, et, sans M. de Voltaire, il y a plus de douze ans qu’on ignorerait qu’il y a une espèce de ce nom au monde.

— La tragédie des Illinois, suspendue assez longtemps par la maladie de Mlle Dubois, a été reprise depuis son rétablissement, et a eu plus de douze représentations, si je ne me trompe. M. de Sauvigny vient de la faire imprimer. Une intrigue embrouillée et inintelligible, des évènements entassés sans jugement et sans mesure, un style incorrect et pitoyable, tout décèle la faiblesse extrême du poëte. Il a changé son dénoûment, car aujourd’hui un auteur en a deux ou trois prêts, et les change jusqu’à ce qu’il ait attrapé le goût du public. Ainsi ce n’est plus le jeune Monreal qui est tué ; c’est Hirza qui se tue elle-même pour épargner à la fois le père et le fils. Je conviens que ce dénoûment-ci ressemble beaucoup à celui des Scythes. Voilà pourquoi l’auteur a cru devoir lui en substituer un autre ; mais le public ne l’ayant pas goûté, il a repris le premier, et pour prouver qu’il ne l’a pas emprunté à M. de Voltaire, il a fait imprimer la permission du censeur de police, qui est datée du mois de novembre 1761.

— Je confesse aussi avoir mal rendu compte de Toinon et Toinette. À la lecture de la pièce, qui a été imprimée depuis sa première représentation, je n’ai trouvé aucune trace de la générosité de Toinon ni de celle du capitaine de navire. Il est vrai aussi que le vaisseau que j’avais cru perdu sans ressource par la tempête se retrouve à la fin par un de ces heureux quiproquos si naturels et si communs dans le cours des évènements. Mais, tout considéré, j’aime autant mon arrangement que celui de M. Desboulmiers, et, sans me vanter, je crois qu’il aurait mieux fait de combiner son plan comme j’ai fait que d’y coudre un dénoûment qui n’a ni rime ni raison.

— Deux nouveaux acteurs ont débuté sur le théâtre de la Comédie-Française : Dalainval, dans les rôles de raisonneur ; Montfoulon, dans les rôles à manteau. Leur début promet cette honnête médiocrité qui fait le supplice des amateurs des beaux-arts quelquefois vingt ans de suite.

— J’ai eu l’honneur de vous parler d’un supplément que M. d’Alembert a fait à sa brochure de la Destruction des