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SEPTEMBRE 1767.

jusqu’à présent que deux exemplaires à Paris, est intitulé Honnêteté théologique[1]. C’est pour faire le pendant des Honnêtetés littéraires, qui sont sorties cet été de la même manufacture. Dans l’Honnêteté théologique, le syndic Riballier et le régent Cogé sont chatiés aussi plaisamment que cruellement pour leur peau. Ce qu’on dit de leur manière de falsifier les passages paraît outré, et est cependant l’exacte vérité. À la suite de l’Honnêté théologique, on lit la correspondance de M. Marmontel avec le syndic Riballier au sujet des hérésies de Bélisaire. Je suis persuadé que le ribaud Riballier sera bien fâché de la publication de ces pièces du procès. Dans le dernier cahier, enfin, on voit une réimpression de l’Indiculus de la Sorbonne et des Trente-sept Propositions contradictoires du bachelier ubiquiste que vous connaissez. Si cette brochure devient un peu commune à Paris, elle augmentera infiniment le mépris dont tout honnête homme est pénétré pour la Sorbonne. Cet illustre corps, mi-partie de sots et de fripons, n’a pourtant pas encore publié sa censure de Bélisaire. On prétend même que la cour, d’un côté, et le Parlement, de l’autre, lui ont fait dire de prendre garde à ce qu’il dirait de la tolérance civile ; mais les agaceries répétées de M. de Voltaire feront encore leur effet. Le R. P. Bonhomme, cordelier, et le syndic Riballier, redoubleront de zèle et l’emporteront sur quelques docteurs plus timides. La Sorbonne publiera sa censure et s’assurera solidement du mépris bien mérité de toute l’Europe. C’est bien tout ce qu’elle aurait pu faire que de se taire si M. Marmontel avait voulu paraître indifférent sur ses démarches et si M. de Voltaire n’avait pas fait flétrir d’un fer chaud les épaules de Riballier et de son drogman Cogé par la haute justice du comte de Ferney. M. Marmontel a pris le sage parti de passer trois mois de cet été aux eaux d’Aix-la-Chapelle avec des femmes fort aimables. Il a eu une autre précaution fort bonne. Il a envoyé son Bélisaire à toutes les têtes couronnées de l’Europe avec des lettres

  1. Grimm dit, dans l’ordinaire du 15 décembre 1768, que Damilaville, qui se faisait l’honneur de cette brochure, n’était que le prête-nom de Voltaire ; mais jusqu’à ce jour, l’Honnêteté théologique, qui forme le second cahier des Pièces relatives à Belisaire, n’a été reproduite dans aucune édition moderne. Elle a dû cependant, selon l’expression même de Grimm, être, sinon écrite, du moins « rebouisée » à Ferney, et elle devrait figurer dans les Œuvres de Voltaire, au même titre que le Tombeau de la Sorbonne et les Lettres sur la Nouvelle Héloïse.