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SEPTEMBRE 1767.

aimait les champignons à la fureur ; il en cueillit dans la forêt pendant une partie de la journée. Vers le soir, la compagnie se rend à Marly, entre dans un cabaret, et demande qu’on lui apprête les champignons qu’elle apporte. Le cuisinier du cabaret, ayant examiné ces champignons, assure qu’ils sont de la mauvaise espèce, et refuse de les cuire. Piqués de ce refus, ils sortent de ce cabaret, et en gagnent un autre dans le bois de Boulogne ou le maître d’hôtel leur dit la même chose, et refuse également de leur apprêter les champignons. Une cruelle obstination, fondée sur ce que le médecin qui était de la compagnie les assurait toujours que ces champignons étaient bons, les fait encore sortir de ce cabaret, pour les conduire à leur perte. Ils se rendent tous a Paris chez Schobert, qui leur donne à souper avec ces champignons, et tous, au nombre de sept, y compris la servante de Schobert, qui les avait apprêtés, et le médecin, qui prétendait si bien s’y connaître, tous meurent empoisonnés. Comme ils se sont trouvés mal tous ensemble, ils ont été depuis onze heures du soir jusqu’à l’heure du midi du lendemain sans aucun secours. On les a trouvés étendus sur le parquet, dans les convulsions de la douleur et luttant contre la mort. Tous les secoure ont été inutiles. L’enfant est mort le premier. Schobert a vécu du mardi au vendredi. Sa femme n’est morte que le lundi après. Quelques-uns de ces malheureux ont vécu jusqu’à dix jours après l’accident ; mais aucun n’a échappe. Schobert laisse un enfant en nourrice qui reste sans ressource. Ce musicien avait un grand talent, une exécution brillante et enchanteresse, un jeu d’une facilité et d’un agrément sans égal. Il n’avait pas autant de génie que notre Eckard, qui reste toujours le premier maître de Paris ; mais Schobert avait plus d’admirateurs qu’Eckard, parce qu’il était toujours agréable, et qu’il n’est pas donné à tout le monde de sentir l’allure du génie. Les compositions de Schobert étaient charmantes. Il n’avait pas les idées précieuses de son émule, mais il connaissait supérieurement les effets et la magie de l’harmonie, et il écrivait avec une grande facilité, tandis que M. Eckard ne fait que difficilement les choses de génie. C’est que ce dernier ne se pardonne rien, et que Schobert était en tout d’un caractère plus facile. Il a péri à la fleur de l’âge. Schobert était Silésien. Il était de la musique de M. le prince