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NOVEMBRE 1767.

l’abbé Trublet trouvait à redire à ce portrait, c’est qu’il y était qualifié de diacre, tandis qu’il était archidiacre, et qu’en le qualifiant ainsi, le vers y était également. À quoi M. de Voltaire répondit : J’ai tort. Je lui demande pardon ; je l’avais cru dans les moindres. On appelle les ordres moindres ceux qui sont au-dessous de la prêtrise. La seconde personne de la trinité, c’est M. d’Açarq, grammairien plein d’emphase. Ses écrits à force d’être ridicules sont très-amusants. Il prétend avoir fait une grammaire sous le titre de Balance philosophique. Il dit en commençant : Je vais vous montrer Minerve toute nue ; peu de gens l’ont vue en cet état. Je crois, en effet, que depuis l’aventure du mont Ida, elle ne s’est déshabillé que pour M. d’Açarq, Tous ses ouvrages sont écrits dans ce goût-là. La troisième personne, enfin, était feu M. de La Garde qui vient de mourir âgé de près de soixante ans. On l’appelait La Garde Bicêtre, pour le distinguer du petit La Garde musicien. C’est un sobriquet que ses amis lui avaient donné, vraisemblablement parce qu’ils le jugeaient digne d’avoir un logement dans ce château royal. Je ne sais s’il était mauvais sujet, mais il était bête à manger du foin. Son premier métier avait été celui de suivant de Mlle Le Maure, qui a si longtemps enchanté les oreilles françaises par son beau et lourd organe, et qui était aussi célèbre par sa bêtise que par sa voix. La Garde prétendait lui montrer ses rôles ; et comme elle était fort capricieuse, quand on voulait l’avoir à souper pour la faire chanter il fallait avoir La Garde, qui savait les moyens de l’y déterminer. La Garde s’attacha ensuite à Mme de Pompadour, et fut consulté dans le temps qu’elle jouait l’opéra dans les petits appartements pour l’amusement du roi. Cette femme célèbre le fit peu après son bibliothécaire, et lui procura une pension de mille écus sur le Mercure de France. Il fut chargé en même temps de la partie des spectacles pour ce journal. C’est là ou il a exercé sa plume de la manière la plus ridicule et la plus fastidieuse pendant plusieurs années de suite jusqu’à sa mort. Il a été créateur d’un style emphatique et d’un galimatias merveilleux pour l’association des mots qu’il savait réunir ensemble. Cela était détestable à lire seul, mais excellent à lire en société pour se divertir. Les gens sensés riaient aussi parfois, mais n’en trouvaient pas moins indécent qu’un journal qui se compose sous