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DÉCEMBRE 1767.

Fernand. Zélie, qui a toujours de l’humeur, paraît, renvoie sa petite sœur étudier son clavecin. La petite se révolte. Cela occasionne une petite querelle entre les deux sœurs d’une insipidité délicieuse. Le papa paraît pour mettre le holà. Il ne veut pas qu’on afflige sa cadette. Il la renvoie en bon homme qu’il est. Il prie ensuite son aînée d’assurer le bonheur de ses vieux jours en choisissant un époux, Zélie prétend que rien ne presse. Cela engage une conversation d’une longueur et d’un piquant qui font bâiller toute la salle à la fois.

Zélie se retire sans rien promettre, Fernand s’avance pour s’ouvrir à M. le baron, et pour lui demander Lucile en mariage. M. le baron aime tendrement ce Fernand, il aime aussi bien Lucile ; mais il exhorte Fernand, en se retirant, d’épouser Zélie, afin que Lucile puisse être mariée à son tour.

Les deux amants se découvrent leurs sentiments, qui ne sont que trop d’accord ; mais si Fernand se croit le plus heureux des hommes d’avoir touché le cœur de Lucile, il n’en est pas plus avancé ; et Lisette, présente à cet entretien et consultée, ne trouve aucun moyen de faire consentir M. le baron à ce mariage. Fernand reste seul dans cette perplexité, que son ami Melcour vient augmenter encore. Melcour veut repartir sur-le-champ ; il a déjà envoyé chercher des chevaux. Il avoue à Fernand que cette prompte résolution est l’effet du dépit ; qu’il a pour Zélie la passion la plus décidée dont il ne lui a cependant jamais parlé, mais qu’elle vient encore de le traiter avec tant de hauteur et de dureté qu’il est déterminé à ne jamais revenir en ce château. Fernand lui fait sentir qu’il ne faut pas se désespérer si vite ; que les inégalités de Zélie ne viennent que d’une mauvaise éducation, qu’il s’en rendra le maître, et que sa victoire servira à faire deux heureux, puisque le mariage de Fernand avec Lucile en dépend entièrement. Sur cela, il vient une idée à Melcour dont l’exécution se verra au second acte, et dont le succès pourrait dompter l’humeur altière de Zélie. Il va la concerter avec M. le baron, et il nous laisse, ainsi que Fernand, le bec dans l’eau.

Pendant l’entr’acte, on dîne. Après le dîner, Melcour revient au salon. Son projet consiste, en deux mots, à jouer avec Zélie le rôle du plus étourdi et du plus fieffé petit-maître qu’il y ait en France, et à lui dire le plus crûment possible les plus dures