Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 7.djvu/54

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qui seront enterrés sous les ruines de cette vieille masure, le jour que les Français sauront ce que c’est qu’un spectacle en musique.

M. le chevalier de Chastellux a écrit l’année dernière un Essai sur l’union de la poésie et de la musique, qui contient de très-bons principes que nos jeunes poëtes surtout auraient dû étudier avec le plus grand soin. Pas un n’en a profité jusqu’à présent, et rien ne prouve mieux l’inutilité des préceptes et des poétiques. Un seul beau tableau apprend plus sur la peinture que vingt traités qui traitent de l’art. L’écrit de M.  le chevalier de Chastellux n’a pas même fait de sensation. Il est vrai qu’il est un peu froid, et qu’on a de la peine à se faire à un ton si froid sur un art si plein de chaleur et d’enthousiasme ; mais enfin cet écrit contient des vues tout à fait neuves, du moins en France, et dont certainement aucun poëte lyrique ne se doute.

J’ai aussi tâché d’exposer mes idées dans l’Encyclopédie, à l’article Poëme lyrique. Si vous daignez le parcourir, je le recommande à votre indulgence ; je n’ai point eu le loisir de lui donner la perfection dont il aurait été susceptible. Vous y trouverez peut-être quelques vues trop hasardées et qui pourront même paraître extravagantes ; mais je vous supplie de ne les pas rejeter légèrement ; et si j’en avais le temps, je ne croirais pas impossible de les porter à un haut degré de probabilité. Au reste, je n’ai pas vu cet article imprimé, et ne sais quel air il a dans ce fameux dictionnaire : car jusqu’à présent les sages précautions du gouvernement nous préservent toujours efficacement du venin de l’Encyclopédie, tandis que les provinces et les pays étrangers sont abandonnés à l’activité de son poison. On a même mis M.  Le Breton, premier imprimeur ordinaire du roi, à la Bastille, pour avoir envoyé vingt ou vingt-cinq exemplaires à Versailles à différents souscripteurs. Ceux-ci ont eu un ordre du roi de rapporter leurs exemplaires à M.  le comte de Saint-Florentin, ministre et secrétaire d’État. Dans le fait, le gouvernement n’a pas voulu punir, mais prévenir les criailleries des prêtres, surtout pendant l’assemblée du clergé, à laquelle on a voulu ôter le prétexte de faire des représentations à ce sujet. L’indiscret imprimeur qui à pour son compte l’intérêt de la moitié dans les frais et dans les