Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 7.djvu/67

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de l’amour, ou à faire qu’une bergère aime un roi, ou qu’un roi aime une bergère ? et d’autres niaiseries semblables qu’on agitait avec un grand sérieux, et sur lesquelles on dissertait à perte de vue. Molière, ce grand homme si supérieur à son siècle, osa le premier se moquer de ces afféteries pédantesques dans ses Précieuses ridicules. Racine et Despréaux, nourris de la lecture des anciens, vinrent ensuite réformer le goût du public, que le berger Fontenelle et le spirituel La Motte auraient de nouveau gâté si le plus bel esprit et à la fois le plus solide, M. de Voltaire, n’avait arrêté les progrès de la corruption. Sur quelque objet qu’on porte ses regards, cet homme immortel est sans doute celui à qui la France et peut-être l’Europe ont les plus grandes obligations. Mlle de Scudéry eut le malheur de survivre à sa réputation, car elle mourut en 1701, dans sa quatre-vingt quatorzième année, lorsque tout Paris n’était rempli que des noms de Molière, de Racine, de Despréaux, et qu’il n’y avait plus guère que les vieilles caillettes et leurs amants surannés qui lisaient Clélie et le Grand Cyrus, en déplorant le mauvais goût du siècle.

— L’impunité des compilateurs est si grande qu’on a imprimé sous ce titre : le Goût de bien des gens, ou Recueil de contes moraux, un volume in-12 de trois cents pages, dans lequel on n’a fait que voler au Mercure de France les différentes pièces fugitives, en vers et en prose, qu’il a publiées en ces derniers temps.


15 juin 1766.

On donna, vers la fin du mois d’avril dernier, sur le théâtre de la Comédie-Italienne, un opéra-comique en un acte, intitulé les Pêcheurs. La musique en fut fort applaudie ; mais la pièce ne réussit pas de même, et le dénoûment fut sifllé. Les auteurs jugèrent à propos de retirer leur pièce après la première représentation, pour y faire des changements. Elle vient de reparaître avec un médiocre succès, qui se bornera à quelques représentations. Le poëme des Pécheurs est d’un certain marquis de La Salle. Il ne faut certainement pas être un Molière pour faire de ces pauvretés-là. On a demandé pourquoi l’auteur a donné la préférence au métier de pêcheur sur