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M.  de Rochefort a publié, il y a dix-huit mois, l’Essai d’une traduction de l’Iliade en vers, dont l’Académie des inscriptions et belles lettres a bien voulu agréer l’hommage, mais dont le public a jugé peu avantageusement, malgré la protection de l’Académie. Le traducteur est content du public : c’est apparemment un homme modeste, qui interprète favorablement le silence qu’on a gardé sur son Essai. En conséquence, il a entrepris une traduction tout entière de cette pauvre Iliade, dont il vient de publier les six premiers chants[1], et dont il promet religieusement la suite. Ce bon vieux père de la poésie a eu beaucoup à souffrir, en ces derniers temps, des Bitaubé et des Rochefort, sans compter les impertinences passées de La Motte‑Houdard.

M.  Dumouriez a fait comme M.  de Rochefort ; il a donné, il y a quelque temps, l’essai d’une traduction en vers du célèbre poëme italien intitulé il Ricciardetto. Il prétend que le public a été fort content, et il vient en conséquence de publier sa traduction tout entière. Dieu vous garde d’être assez injuste envers ce charmant poëme pour le lire dans la version de M.  Dumouriez[2]  !

— Depuis que M.  Dorat a mis les héroïdes ornées d’estampes et de vignettés à la mode, tous les petits poëtes ont voulu faire imprimer leurs thèmes avec le même luxe. En dernier lieu, M. Blin de Sainmore a fait reparaître ainsi sa Lettre de Biblis à Caunus, son frère, pour lequel elle a le malheur de brûler d’un amour incestueux, et sa Lettre de Gabrielle d’Estrées mourante à Henri IV, son amant. Nous connaissions déjà ces pauvretés. M. Mailhol a aussi publié une Lettre en vers de Gabrielle de Vergy à la comtesse de Raoul, sœur de son amant Raoul de Coucy[3]. Il a ajouté à son héroïde la romance connue de M.  le duc de La Vallière sur le même sujet. M.  Mailhol est plus cruel poëte que M.  Blin de Sainmore. On peut leur associer l’auteur inconnu de la Lettre de Narval à Williams, son ami. Ce dernier est un génie créateur qui doit tout à son invention : aussi n’a-t-il pas cru que son ramage eût besoin d’une estampe pour nous séduire.

  1. L’Iliade d’Homère, traduite en vers, avec des remarques, par M.  de R… Paris, Saillant, 1766, in-8o.
  2. Voir tome VI, p. 42 et note.
  3. Paris, veuve Duchesne, 1766, in-8o. Une figure et une viguette (non signée) d’Eisen, gravées par Longueil.