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JUILLET

1er juillet 1766.

lettre de m. damilaville à m. diderot[1].

Oh ! vous n’en êtes pas quitte, monsieur le philosophe ; j’ai commencé par défendre mon cœur et mes amis, parce que c’est ce que j’ai de plus cher, mais n’imaginez pas que j’abandonnerai lâchement mon esprit dans le bourbier où il vous plaît de le voir : j’y prends aussi quelque intérêt. Je veux à la vérité passer pour bon, mais non pour une bonne bête. Croyez-vous donc que je prendrais un bon mot, une épigramme pour une raison ? Nous feras-tu accroire que c’était de bonne foi que tu faisais un jour l’éloge des capucins ? Dites-moi, je vous prie, d’abord s’il y a bien de l’exactitude à juger de tous les moines par les capucins, et si ce n’est pas vouloir se débarrasser d’un homme en lui jetant un ridicule sur le corps que de l’accuser d’avoir fait l’éloge des capucins, dont il n’a pas dit un mot, parce qu’il ne voit pas en général, comme bien des gens, sur l’article des moines.

J’ai commencé comme tout le monde, mon ami, par vouloir tout réformer. Je m’en suis peut-être trop profondément occupé, eu égard aux connaissances relatives à mon état, qui me manquent et que j’aurais mieux fait d’acquérir. Le résultat a été de trouver que les choses ne sont pas aussi mal qu’on le clabaude continuellement. L’article des moines est un de ceux que j’ai le plus ressassés. J’ai trouvé qu’il y avait très‑peu de chose à faire pour rendre cet établissement utile, et qu’à les prendre même tels qu’ils sont, il y a bien des choses en leur faveur. C’est un des meilleurs moyens qu’il y ait pour fixer dans un canton et dans les provinces en général la consommation d’une partie du revenu local : qu’on mette les biens

  1. Nous avons publié, t. XIX, p. 476, des Œuvres complètes de Diderot, la réponse à cette lettre, qui semble plutôt le résultat d’une gageure destinée à exciter la verve du philosophe que l’expression réelle des opinions de frère vingtième.