Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 7.djvu/77

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ayant leur droit comme d’autres, cela deviendrait égal#1 pour ceux qui ne sont ou n’auraient pas été moines, car il se pourrait bien qu’ils possédassent alors comme particuliers, chacun, la part de ce qu’ils possèdent aujourd’hui en commun comme moines. Il faut donc vous rabattre sur ce qu’un particulier est plus utile personnellement à l’État qu’un moine. C’est ce que nous allons examiner.

Les moines sont inutiles à la société, dit-on. Ils ne se marient pas, ils ne font rien. Je sais, par rapport à la première accusation, que le célibat est contraire aux bonnes mœurs. Il y a lieu de croire que si chacun avait sa chacune bien sacramentée, il aurait dans le monde des plaisirs moins oisifs, mais en récompense une vie plus uniformément douce. Je dis plus, c’est qu’indépendamment de ce que l’adultère physique serait moins commun, l’adultère moral pourrait l’expier en quelque façon en offrant des revanches. Mais, pour en revenir aux moines, sont-ils les seuls célibataires ? Et l’homme qui se marie à quarante ans, comme il n’est que trop commun, n’a-t-il pas passé dans le célibat les années pendant lesquelles il est certainement le plus à craindre pour la tranquillité et l’honnêteté publiques. Ce qui m’étonne, c’est de voir ceux qui écrivent en faveur du suicide enlever au même homme auquel ils donnent libéralement le droit de se tuer, quand la vie lui est à charge, celui de ne pas donner la vie à des êtres auxquels il présume qu’elle sera aussi à charge qu’à lui ; mais revenons au danger du célibat des moines relativement aux mœurs. Il y a des moines libertins sans doute. Mais oserez-vous dire que les moines qui sont dans Paris, par exemple, commettent autant d’adultères, subornent autant de filles, fréquentent autant celles qui sont corrompues qu’un pareil nombre de célibataires du même âge pris indifféremment dans tous les autres états ? C’est, m’allez-vous dire, parce que la crainte les retient… Et que m’importe ? en résulte‑t-il moins que mille moines ne contribuent pas autant à la corruption des mœurs que mille autres célibataires du même âge ? S’ils osaient, dites-vous, ils feraient pis ; cela veut dire que s’ils osaient quand ils sont échappés, ils auraient les moyens de faire pis ou mieux que ceux qui sont habituellement moins sages qu’eux. Mais enfin que leur sagesse vienne de la gêne dans laquelle on les retient, ou, si vous le voulez encore, de