Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 7.djvu/78

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l’envie qu’ils ont de paraître plus parfaits qu’ils ne le sont, elle vient donc de ce qu’ils sont moines. Donc, de ce côté-là, les célibataires moines sont moins dangereux que les autres célibataires, et même que ceux qu’on ne range pas dans la classe des célibataires, parce qu’ils n’ont pas encore atteint l’âge nubile fixé par le bel usage, c’est-à-dire par le libertinage, l’avarice et l’ambition. Les moines libertins sont des gens à la fleur de leur âge chez lesquels le tempérament agit avec force ; et quand il serait vrai que tous ceux de cette classe se livreraient sans retenue à la satisfaction de leurs désirs, au moins ne voit‑on pas chez les vieux moines cette crapule si commune parmi les vieillards de la capitale et des grandes villes, ce qu’on doit réellement regarder comme une dépravation de mœurs parce que ce n’est plus le vœu de la nature que l’on satisfait. La pauvre enfant qui y est sacrifiée, n’y prenant et n’y devant prendre aucun plaisir, perd nécessairement en une heure, avec ce vieux paillard, jusqu’à la dernière étincelle d’une pudeur dont les femmes conservent toujours des restes piquants tant qu’elles n’ont cédé qu’au sentiment, au goût, à la volupté, au tempérament même. Ce n’est pas l’emportement avec ceux qu’on aime, ce n’est pas ce qu’on fait quand on sait ce qu’on fait ; C’est au contraire, la prostitution froide pour un vil et sordide intérêt, qui fait la honte de ce sexe. Mais je suppose les moines de tout âge aussi libertins que les autres hommes : de quel droit, je vous prie, exigerez-vous d’eux plus que des autres si vous ne leur accordez pas plus qu’aux autres ? Que le dévot imbécile qui voit un capucin entre Dieu et lui exige de ce capucin des perfections proportionnées à la vénération qu’il lui prodigue, c’est dans l’ordre. Mais vous, qui ne rendez pas à un moine plus qu’à un autre homme, à quel titre exigez-vous qu’il soit plus parfait ? Considérez leur état relativement à ce que vous exigez de ceux qui l’embrassent, ou n’en exigez que relativement à la considération que vous leur accordez.

Assez sur le célibat des moines relativement aux mœurs. Voyez donc un peu si le crime est si énorme de ne pas propager l’espèce humaine. Il faudrait une lettre ou plutôt un volume à part sur cette manie de population dont tous nos écrivains sont possédés ! Il me suffit de remarquer que c’est l’excès de population qui a conduit les Chinois, ces sages par