Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 7.djvu/93

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sens et d’un bon esprit, et je n’ai jamais vu un homme de sa profession réunir à son talent tant de mérite.

M. l’abbé du Pignon vient de publier une Histoire critique du gouvernement romain, où d’après les faits historiques on développe sa nature et ses révolutions, depuis son origine jusqu’aux empereurs et aux papes. Volume in-12 de trois cent soixante pages. M. Duni, professeur en droit à Rome, et frère de notre musicien qui a composé plusieurs de nos jolis opéras-comiques, réclame la plupart des idées de M. l’abbé du Pignon, et il me semble que celui-ci se défend mal de cette accusation. D’ailleurs l’ouvrage de M. Duni est estimé, et celui de M. l’abbé du Pignon ne l’est point du tout ; et ce double sort convient encore très-bien à l’auteur original et au copiste.

M. Linguet vient aussi de s’exercer à peu près sur un semblable sujet. Il a écrit une Histoire des révolutions de l’empire romain, pour servir de suite à celle des Révolutions de la république, que nous avons de l’abbé de Vertot. Gette continuation, qui commence par le règne d’Octave-Auguste et finit avec la mort d’Alexandre Sévère, comprend deux volumes in-12, chacun de plus de quatre cents pages. Elle ne sera pas poussée plus loin ; M. Linguet prend dans sa préface congé de la littérature, où il avoue de bonne foi n’avoir pas été comblé de lauriers. Il a quitté une carrière qu’il a courue sans succès, et il s’est fait avocat, dans l’espérance d’un meilleur sort. Il examine dans sa préface avec beaucoup de sincérité pourquoi ses ouvrages n’ont pas réussi ; mais il n’en peut découvrir les raisons. Comme il me parait de bonne foi, je m’en vais les lui dire : c’est qu’il écrit ennuyeusement ; c’est qu’il n’a point de coloris, et qu’on s’endort sur son livre. Or il n’y a point de remède à cela en littérature ; mais un avocat fait souvent supérieurement bien d’endormir ses juges. M. Linguet donna, il y a trois ans, pour son début, une Histoire du siècle d’Alexandre. Cet ouvrage fut oublié au bout d’un mois, malgré les efforts que beaucoup de bonnes gens avaient faits pour lui donner de la vogue. L’auteur prétend qu’il en a publié plusieurs autres depuis ; il est certain qu’ils sont restés bien inconnus. L’Histoire des révolutions de l’empire romain partagera leur sort, malgré les paradoxes que M. Linguet y a avancés, et qui servent ordinairement si bien la réputation de leurs auteurs. Quand M. l’abbé de Galiani me