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CORRESPONDANCE LITTÉRAIRE.

blic lui donna la même marque d’estime et de reconnaissance.

M. l’abbé de Langeac, de peur de manquer le prix, a envoyé deux autres pièces au concours. L’une est une Épître d’un fils à sa mère. Ce poëte est rempli de piété envers père et mère ; c’est son faible. L’autre est une Ode sur la colère. Ces deux pièces sont aussi imprimées avec une églogue qui n’a pas concouru, et tous ces différents morceaux confirment de plus en plus l’opinion qu’on doit se former du talent de l’auteur.

L’Académie a accordé l’accessit à M. Fontaine pour une Épître aux pauvres, qui est une pauvre épître et qui figure très-bien à côté de la pièce couronnée. Elle s’est bien gardée de donner un accessit au poëme de M. Le Prieur. Elle a fait mention honorable d’une épître intitulée les Ruines, par M. Cœuilhé, qui voyage en Italie. Il y a eu aussi mention honorable du poëme de M. Le Prieur, intitulé la Nécessité d’être utile. M. Mercier a fait imprimer une épître philosophique qu’il a envoyée au concours et qui a pour titre : Que notre âme peut se suffire à elle-même. Je voudrais bien que l’âme de M. Mercier se fît assez suffisante pour laisser la mienne en repos.

— L’Académie royale de peinture et de sculpture a fait, cette année, une injustice toute pareille à celle de l’Académie française. Elle a décerné le prix de peinture à celui de ses élèves qui a fait le plus beau tableau[1] ; mais le prix de sculpture a été donné contre toute justice à un élève de Pigalle[2], et l’on en a frustré un élève de Le Moyne, dont le morceau, au sentiment de tout le monde, était très-supérieur à tous les morceaux exposés au concours. Celui des élèves qui remporte le prix est reçu pensionnaire du roi à l’École royale de peinture et de sculpture et va ensuite aux frais de Sa Majesté à Rome, où il est encore entretenu quatre ans. L’injustice que l’Académie, ou plutôt une vilaine cabale formée par Pigalle, a faite à l’élève de Le Moyne a mis la consternation et le désespoir dans l’âme des élèves. Ils se sont assemblés au portes de l’Académie, sur la place même du vieux Louvre, et ils ont insulté publiquement et sans aucun

  1. F.-A. Vincent.
  2. Moitte, qui l’emporta sur René Millot. Diderot a raconté trois fois tout au long, et presque dans les mêmes termes, les conséquences de cette injustice. Voir Salon de 1767, t.  XI, P. 376 ; Lettres à Falconet, t.  XVIII, P. 297, et Lettres à Mlle Rolland, t.  XIX, P. 274.