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SEPTEMBRE 1768.

ménagement tous les membres de l’Académie, qu’ils soupçonnaient d’avoir trempé dans ce complot odieux, et particulièrement Pigalle et Cochin, secrétaire perpétuel de l’Académie, fauteurs déclarés de cette injustice.


15 septembre 1768.

Il était donc écrit qu’en cette année 1768, M. l’abbé de La Bletterie, professeur d’éloquence au Collége royal, et de l’Académie royale des inscriptions et belles-lettres, s’illustrerait par un des plus insignes forfaits littéraires dont on ait jamais entendu parler. Cet académicien jouissait à Paris d’une réputation que la médiocrité y usurpe trop souvent et trop facilement. En sa qualité de janséniste il tenait à un parti longtemps écrasé, mais par là même plus étroitement uni et portant tout ce qui lui appartenait avec une chaleur et un zèle infatigables. L’abbé de La Bletterie avait déjà traduit, si je ne me trompe, deux morceaux de Tacite, la Vie d’Agricola, et le petit livre des Mœurs des Germains ; il avait écrit lui-même une Histoire de l’empereur Julien et celle de l’empereur Jovien[1]. Ces différents ouvrages lui avaient fait tant de réputation que l’Académie française l’avait élu et mis au nombre des Quarante ; mais le système du cardinal de Fleury était alors encore dans toute sa vigueur. Ce ministre comptait détruire le jansénisme en purgeant tous les corps de son prétendu venin, et surtout en les préservant de sa contagion. Le roi exclut le janséniste La Bletterie de l’Académie française, quoiqu’il fût déjà membre de l’Académie des inscriptions, et que tout le monde regardât le littérateur La Bletterie comme un homme d’un mérite peu commun. L’Histoire de l’empereur Julien eut surtout le plus grand succès, et fut comptée sans difficulté au nombre des meilleurs ouvrages de notre siècle. Je n’ai, Dieu merci, jamais rien lu du janséniste littérateur abbé de La Bletterie[2], mais je me souviens d’avoir trouvé l’année dernière la Vie de Julien, à la campagne, sur la cheminée

  1. Voir t.  I, P. 172, pour l’Histoire de l’empereur Jovien, et t.  III, P. 7, pour les Mœurs des Germains, la Vie d’Agricola et la Vie de l’empereur Julien.
  2. Grimm, t.  III, P. 7, rend cependant un compte détaillé de ses traductions comme s’il les avait lues. Trompait-il alors ses correspondants, ou se trompe-t-il ici lui-même ? (T.)