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CORRESPONDANCE LITTÉRAIRE.

à côté de madame la lieutenante criminelle, son épouse ; et après avoir reçu de ladite dame quelques compliments flatteurs sur la réputation de véracité et de probité dont je jouissais dans mon quartier, et lui avoir reconnu par contre de beaux yeux noirs, ensemble des manières fort aimables, j’ai fait et signé la déposition suivante, laquelle je déclare exacte et conforme à la vérité dans toute son étendue.

Interrogé si j’avais quelque connaissance d’un rapt fait par violence en présence du public, le 14 du mois dernier, sur le théâtre de la Comédie-Française, j’ai dit qu’audit jour je m’étais transporté sur les cinq heures du soir à l’hôtel des Comédiens ordinaires du roi, pour assister à une représentation des Femmes savantes, comédie d’un nommé Molière, lequel, au dire d’aucuns, en valait bien un autre ; suivie de la première représentation de Laurette, comédie nouvelle en vers et en deux actes.

Interrogé si je connaissais le père de cette Laurette, j’ai dit que j’avais ouï dire qu’il s’appelait M. du Doyer de Gastel, jeune homme que je croyais avoir rencontré, il y a quelques années, dans une maison où l’on m’avait assuré qu’il était pauvre, honnête, de bonnes mœurs, fort amoureux en outre, mais en tout bien et en tout honneur, de la demoiselle d’Oligny, jeune actrice du Théâtre-Français, mais vertueuse et sage ni plus ni moins qu’une religieuse, à la gloire de laquelle mondit sieur du Doyer avait même composé jadis une épître en vers, dont je me souvenais avoir pris lecture dans le temps et orné mes feuilles, sans pouvoir dire si elle en valait la peine.

Interrogé si c’était là tout ce que je savais de M. du Doyerde Gastel, j’ai répondu : « Tout, » n’étant pas obligé de me souvenir de rien à son sujet.

Interrogé si je le croyais seulement homme pauvre ou en même temps pauvre homme, j’ai dit qu’il n’appartenait qu’à la cour, vérification préalablement faite des pièces du procès, de statuer sur cette question ce que de droit.

Interrogé si, avant d’assister à la représentation, j’avais eu quelque connaissance de ce qui devait s’y passer, j’ai dit que je me rappelais avoir lu le conte de Laurette parmi les Contes moraux de maître Marmontel, de l’Académie française, et de l’avoir trouvé un des meilleurs dudit maître, quoiqu’il me parût avoir le défaut général de ses contes, savoir : celui d’être trop