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CORRESPONDANCE LITTÉRAIRE.

Un Il tirait de sa poche
Un gros morceau de pain bis,
Un Un chanteau de brioche
N’eût pas été plus exquis.
Que Colin donne à propos
Et son pain et ses sabots !

Un Le curé du village
Avait tué son cochon,
Un Colin eut en partage
Un bout d’andouille assez long.
Que Colin donne à propos
Andouille, pain et sabots !

Un C’était un jour de fête
Qu’il me surprit dans un coin ;
Un Je devins sa conquête
Sur quatre bottes de foin.
On entendait les échos
Redire au bruit des sabots :
Que Colin donne à propos
Andouille, pain et sabots.

Il n’y a dans cette chanson ni délicatesse ni gentillesse ; une grosse et mauvaise équivoque en fait tout le piquant. Un certain M. Cazotte, auteur d’un poëme en prose épi-comique, intitulé Ollivier, et d’un petit roman ayant pour titre : le Lord impromptu[1], s’est avisé de faire de cette chanson un opéra-comique. Ses affaires l’ayant obligé d’aller en province, où il est encore, il laissa sa petite pièce à M. Duni, qui devait la mettre en musique[2]. Ce compositeur sentit que la pièce ne valait rien, et que le musicien n’empêcherait pas le poëte d’être sifflé ; il chercha donc à engager M. Sedaine de jeter un coup d’œil sur la pièce et de la raccommoder ; cela n’était pas aisé. Sedaine est fort honnête et très-exact en procédés. En France, un poëte ne se croit pas l’homme de plusieurs musiciens, ou plutôt de tous les musiciens ; il en choisit un, s’associe avec lui, et ne travaille plus avec d’autres : cet arrangement est très-préjudiciable aux progrès de l’art. M. Sedaine s’est ainsi marié avec

  1. Voir tome V, page 268, et tome VII, P. 176.
  2. Selon une autre tradition, c’est à Rameau le neveu que Cazotte aurait d’abord demandé la partition des Sabots.