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NOVEMBRE 1768.

Pendant que Babet crie après ses sabots, et se fâche contre le vieillard qui les lui a emportés, Colin arrive avec son panier, où il a son pain et ses cerises pour la journée. Babet lui raconte la malice de Lucas. Colin donne à Babet ses sabots, son pain, ses cerises, mais n’ose lui parler de son amour. Quant aux cerises, ils les mangent ensemble alternativement et en se les donnant mutuellement, à condition que la dernière payera un ruban. Ce tableau est charmant, il est traité en duo ; mais le musicien n’a pas mis ici toute la volupté dont ce tableau était susceptible. Il y a aussi un air que Colin chante sur le bonheur des oiseaux, qui précède le duo, qu’il faudrait retrancher parce qu’il est commun et qu’il fait longueur.

Cependant la pluie prédite par Lucas vient. Alors, après plusieurs expédients proposés, Babet va chercher les sabots de sa mère avec les sabots de Colin. Colin attendra jusqu’à ce qu’elle revienne lui rapporter ses sabots, et, pour qu’en attendant il ne soit pas mouillé, elle lui laisse ses hardes pour s’en couvrir. Colin en effet met le chapeau de Babet ; il met son corset, il se passe son tablier autour des épaules ; il est enchanté de porter les hardes de sa maîtresse. L’air que cette toilette occasionne est médiocre et commun, et pouvait être charmant. Quand Colin voit arriver Lucas, il se tapit sous le cerisier pour se cacher. Lucas vient rapporter à Babet ses sabots. Il est fâché d’avoir été cause, en les lui emportant, qu’elle ait été mouillée. Il aperçoit Colin sous les habits de Babet et le prend pour elle ; il croit qu’elle boude. Il approche tout doucement pour l’apaiser. Il lui parle de son amour, il lui dit qu’il ne peut pas croire ce que sa mère vient de lui dire qu’elle a la tête tournée de Colin. Quand Colin entend ainsi de la propre bouche de son rival qu’il est aimé de Babet, il se relève, il jette les habits de sa maîtresse, il saute au col de Lucas, qui reste stupéfait de sa méprise, tandis que Colin se livre à tous les excès de l’amour et de la joie.

En même temps, Babet revient avec les sabots de Colin. Elle est suivie de sa mère. Lucas veut absolument faire une chose grave de ce qui s’est passé ; mais Mathurine a l’esprit juste et aime sa fille. Elle voit que Colin a fait le rôle d’un bon garçon en donnant à Babet ses sabots, son pain et ses cerises ; elle sait que Babet aime Colin, et elle les unit. Lucas ne peut se résoudre