Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 8.djvu/210

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
200
CORRESPONDANCE LITTÉRAIRE.

à n’être rien à Babet ; ne pouvant lui faire l’amour, il veut lui faire un jour du bien ; ne pouvant être son mari, il devient son beau-père en épousant Mathurine. La pièce finit par un vaudeville, dont le refrain rappelle la chanson qui a donné lieu à la pièce.

Cette pièce n’est qu’une bagatelle, mais c’est une très-jolie bagatelle ; elle restera au théâtre : c’est dommage que la musique en soit faible. Il y a longtemps que je crie à mon pauvre ami Duni : solve senescentem. Il devrait se reposer et renoncer au métier, et céder la carrière à Philidor et à Grétry. Ce n’est pas qu’il ne soit toujours vrai, spirituel, et même fin, dans sa musique ; mais le coloris manque partout cela est faible et gris. L’air de Colin : Et pourquoi ne puis-je donc pas, m’a paru le meilleur. La chanson que Babet chante sous le cerisier est jolie aussi. Dans tout le reste, le compositeur m’a paru fort commun et fort au-dessous de la besogne que le poëte lui avait taillée.

— On a donné sur le même théâtre, le 13 du mois dernier, un opéra-comique nouveau, intitulé la Meunière de Gentilly, les paroles de M. Le Monnier, la musique de M. de La Borde, premier valet de chambre du roi. Cela est mauvais et plat, musique assommante et baroque, sans génie, sans goût, sans idées. Cela a été sifflé suivant son mérite ; mais monsieur le premier valet de chambre ne se tient rien pour dit : c’est toujours à recommencer. Le public lui a donné en toute occasion les avis les moins équivoques, mais on ne l’a pas sitôt noyé avec une pièce qu’il revient sur l’eau avec une autre. Il a même fallu siffler sa Meunière de Gentilly cinq ou six fois de suite avant de le déterminer à la retraite, et je suis persuadé que si les Comédiens y consentaient, il se ferait siffler trois mois de suite sans interruption c’est une singulière manie dans un homme fort riche dont ce n’est pas la profession, et que Dieu créa pour l’inutilité. M. Le Monnier, auteur du Cadi dupé et de quelques autres mauvaises pièces, est très-digne d’être travesti en langue musicale par M. de La Borde. Cela fait deux compagnons très-bien assortis, et j’espère que M. Nicolet leur fera incessamment des propositions capables de les fixer sur son brillant théâtre, et de nous en délivrer à perpétuité. La Meunière de Gentilly est une singerie du précieux naturel des pièces de Sedaine, et une copie du Soldat magicien. La fille de la meunière est amou-