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CORRESPONDANCE LITTÉRAIRE.

n’a pas pris de consistance à Paris, parce qu’avant de s’y répandre, on avait déjà reçu des lettres du 7 de la propre main du mort. Il nous a envoyé depuis deux contes en vers charmants, à la distance de huit jours l’un de l’autre. Le premier est intitulé le Marseillais et le Lion, par feu M. de Saint-Didier, secrétaire perpétuel de l’Académie française. C’est une fable très-philosophique et une conversation très-morale entre un lion et un petit négociant de Marseille, tombé sous les griffes dudit seigneur lion, non loin de Tunis, sur les côtes d’Afrique. Les deux seigneurs interlocuteurs traitent dans ce dialogue plusieurs questions importantes sur le droit divin, sur le droit du plus fort, sur la royauté de l’homme, qui lui est dévolue, de droit divin, sur les animaux, etc. On reconnaît dans cette fable partout la manière du maître qui en fait présent à M. de Saint-Didier ; les notes dont elle est accompagnée sont aussi édifiantes qu’instructives. On en peut dire autant d’un autre conte intitulé les Trois Empereurs en Sorbonne, par M. l’abbé Caille. L’auteur suppose que Titus, Trajan et Marc-Aurèle, quittent pour un moment le séjour de la gloire immortelle,

Pour venir en secret s’amuser dans Paris.


Ils vont en Sorbonne, où ils s’entendent damner en mauvais latin dont ils ne comprennent guère le jargon. Le syndic Ribaudier, qui s’appelle en langue vulgaire Riballier, joue dans ce conte le personnage qu’il a joué dans l’affaire de Bélisaire, celui d’un sot enté sur souche de fripon. Ce conte est charmant, et a eu le plus grand succès. Il y a peut-être plus de mérite poétique dans le Marseillais ; mais les Trois Empereurs ont une facilité, un sel, un piquant dont on ne se lasse point, quoiqu’on en connaisse la mine depuis plus de cinquante ans, et qu’elle n’ait cessé de fournir. C’est au goût particulier de chacun à décider lequel de M. de Saint-Didier ou de M. l’abbé Caille mérite la préférence. Quant à ce M. Ribaudier, qui Pour un docteur français vous semble bien grossier, je crois qu’il se console aisément du panégyrique de M. l’abbé Caille. Il a été dédommagé des sarcasmes des philosophes par