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NOVEMBRE 1768.

une bonne abbaye de dix mille livres de rente. Quand on pense comme M. Ribaudier, on consentirait volontiers d’être à ce prix-là tous les ans une fois l’objet du mépris de l’Europe ; et quand on pense en honnête homme, on trouve de semblables récompenses singulièrement bien placées. Indépendamment de ces deux contes, le patriarche a envoyé ici l’énigme que vous allez lire.

Je suisÀ la ville ainsi qu’en province,
Je suis sur un bon pied, mais sur un corps fort mince,
Robuste cependant, et même fait au tour.
Je suisMobile sans changer de place,
Je suisJe sers, en faisant volte-face,
Et la robe et l’épée, et la ville et la cour.
Je Mon nom devient plus connu chaque jour,
Je suisChaque jour il se multiplie
Je suisEn Sorbonne, à l’Académie ;
Dans le conseil des rois et dans le parlement :
Par tout ce qui s’y fait, on le voit clairement.
Je suisEmbarrassé de tant de rôles,
Je Ami lecteur, tu me cherches bien loin,
Quand tu pourrais peut-être, avec un peu de soin,
Je suisMe rencontrer sur tes épaules.

Le mot de cette énigme est tête à perruque.

Ce mot et les Trois Empereurs nous rappellent tout naturellement les exploits de la Sorbonne contre Bélisaire, ou le combat des têtes à perruque contre un aveugle. Pour compléter l’histoire de ce célèbre aveugle, il faut conserver ici la lettre qui a été écrite à M. Marmontel, en lui envoyant la traduction russe de Bélisaire.


« De Pétersbourg, 11 septembre 1768.

« Lorsque Bélisaire arriva en Russie, monsieur, une douzaine de personnes étaient occupées à descendre le Volga depuis la ville de Twer jusqu’à celle de Sinbirsk, ce qui fait un espace de treize cents verstes, mesure du pays. Ils furent si enchantés de la lecture de ce livre qu’ils résolurent d’employer leurs heures de loisir à traduire Bélisaire dans la langue du pays. Onze d’entre eux partagèrent au sort les chapitres ; le douzième, qui vint trop tard, fut chargé de composer une dédicace des traducteurs à l’évêque de Twer, que la compagnie trouva digne