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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 8.djvu/482

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du curé avec Mélanie, et dans le discours de cette infortunée#1.


Un père !… Il m’en faut un… Que n’ai-je un père, hélas !
Il plaindrait mes tourments, il m’ouvrirait ses bras.
Un père au cri du sang n’est point inaccessible.
Et vous, à mes transports qui vous montrez sensible,
N’êtes-vous pas pourtant au rang de ces mortels
Qui ne prêchent jamais que des devoirs cruels,
Qui m’ont tous annoncé, d’une voix formidable,
Dieu toujours irrité, l’homme toujours coupable,
La nature en souffrance, et le ciel en courroux,
[Ce ciel, par un traité qui s’est fait malgré nous,
Entre notre faiblesse et sa toute-puissance,
Nous laissant le malheur et gardant la vengeance ?
Ils m’ont dit que celui qui nous a formé tous,
Du pouvoir d’opprimer se montre si jaloux
Qu’après avoir soumis sa faible créature
Au tribut de douleur qu’exige la nature,
Aux besoins renaissants, aux ennuis, aux travaux,
Il lui commande encor d’ajouter à ses maux.]
Ils m’ont dit qu’on ne peut apaiser sa colère
Qu’en s’imposant soi-même un fardeau volontaire ;
Et qu’enfin les objets devant lui préférés
Ce sont des yeux en pleurs et des cœurs déchirés.
Eh bien ! s’il est ainsi, j’ai le droit de lui plaire,
Je vais éterniser mes tourments, ma misère, etc.


Ces vers ne sont pas les plus mauvais de la pièce ; mais M. Saurin, qui a approuvé Mélanie, a exigé qu’elle ne les dît point.

— Il a paru une Lettre d’un philosophe moitié gai, moitié chagrin, sur quelques-unes de nos sottises, au baron de ***. C’est un écrit de quarante pages. Le philosophe est très-familier avec le baron, car il le tutoie ; mais c’est que ce philosophe, qui est un plaisant philosophe, a cru que le tutoiement d’un baron ne manquerait pas de lui donner bon air, et à son style de la légèreté et de la gentillesse. Ce philosophe de bon ton nous reproche nos travers, nos frivolités, notre engouement pour ce qu’on a ridiculement appelé des waux-halls ; pour les joutes d’eau qu’on a données l’année dernière sur la Seine ; pour les comédiens de[1]

  1. Ces vers ont été en partie rétablis par l’auteur, acte
    I
    , sc. iv, de la pièce avec

    quelques variantes peu importantes. Toutefois les neuf vers que nous avons renfermés entre crochets ne s’y trouvent pas. (T.)