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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 8.djvu/484

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Je rends grâce au philosophe moitié gai, moitié chagrin, de m’avoir rappelé le poëme de M. Lemierre, et le devoir de consigner dans ces feuilles les observations de M. Diderot[1].

M. de Voltaire a écrit à M. le maréchal de Richelieu la lettre que vous allez lire[2] :

« Je voudrais bien, Monseigneur, avoir le plaisir de vous donner ma bénédiction avant de mourir. L’expression vous paraîtra un peu forte ; elle est pourtant dans la vérité. J’ai l’honneur d’être capucin. Notre général, qui est à Rome, vient de m’envoyer mes patentes ; mon titre est : Frère spirituel et père temporel des capucins. Mandez-moi laquelle de vos maîtresses vous voulez retirer du purgatoire ; je vous jure sur ma barbe qu’elle n’y sera pas dans vingt-quatre heures. Comme je dois me détacher des biens de ce monde, j’ai abandonné à mes parents ce qui m’est dû par la succession de feu madame la princesse de Guise, et par monsieur votre intendant ; ils iront à ce sujet prendre vos ordres qu’ils regarderont comme un bienfait. Je vous donne ma bénédiction.

Signé : Voltaire, capucin indigne, et qui n’a pas encore eu de bonne fortune de capucin ».

Nota. Nous avons, par cette lettre, la preuve de deux faits : le premier, que c’est le général des capucins qui a expédié les patentes de frère spirituel et père temporel à M. de Voltaire, et non pas notre très-saint père Clément XIV ; le second, que M. l’intendant de M. le maréchal de Richelieu ne paye pas toujours la rente que son maître doit à M. de Voltaire, et qu’il a la bassesse de lui retenir depuis nombre d’années ; c’est de l’intendant que je parle, car M. le maréchal de Richelieu serait sans doute incapable de faire ce tort au premier homme de la nation : il faut que son maraud d’homme d’affaires aime aussi à jouer au noble jeu de billard[3].

— L’Épître du curé de saint Jean de Latran à l’auteur de Mélanie, qui a couru ces jours-ci, a été attribuée d’abord à

  1. Comme ces observations ont quelque étendue, les premiers éditeurs de Grimm ont cru pouvoir les supprimer. Nous suivons cet exemple ; mais on les trouvera tome XIII des Œuvres de Diderot, édition Garnier frères.
  2. Cette lettre, qui est datée du 9 février 1770 dans la Correspondance de Voltaire, est ici entièrement défigurée. (T.)
  3. Allusion au banqueroutier Billard. Voir le dernier article de ce mois.