Aller au contenu

Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 8.djvu/491

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Calais. Depuis sa retraite, M. de Belloy a composé sa tragédie de Gaston et Bayard, pour la faire jouer avant de risquer au théâtre Gabrielle de Vergy.

Voilà le nom des deux tragédies que M. de Belloy vient de faire imprimer, et qu’on n’a pas pu lire parce que M. de Belloy ne sait pas écrire. Je n’entrerai dans aucun détail sur ces deux pièces ; elles sont publiques, et ne méritent pas qu’on s’y arrête. Dans la tragédie qui porte le nom de deux héros français, Gaston de Foix et Bayard, appelé le chevalier sans peur et sans reproche, l’auteur a pris pour fondement de sa fable la conspiration de Bresse, tramée par le comte Avogare. Il serait difficile de faire le dénombrement de toutes les absurdités, tant historiques que poétiques, dont cette pièce fourmille. L’idée de transporter à Bresse, et dans le xvie siècle, la conspiration des poudres de Londres, suffit pour vous prouver combien le jugement de M. de Belloy est sain ; le duel inventé entre Gaston et Bayard pour une beauté italienne est un chef-d’œuvre d’absurdité ! Eh bien, malgré la pauvreté de génie du poëte, malgré des absurdités entassées les unes sur les autres, malgré un style incorrect, diffus et faible, j’aurais parié que cette pièce aurait obtenu quelque succès à la représentation. On dit que les Comédiens se proposent de la jouer avant la clôture de leur théâtre, et quoiqu’elle soit entièrement tombée à la lecture, je ne serais pas étonné qu’elle eût quelque succès parce qu’il y a du mouvement, des maximes et de ces sentiments d’élévation factice qui transportent toujours d’admiration le parterre. Au reste, quoiqu’il y ait de plus grandes absurdités dans Gaston que dans Gabrielle de Vergy, j’aimerais cependant mieux avoir fait la première de ces pièces que la seconde : il y a du moins, dans Gaston et Bayard, quelque apparence de talent ; mais la belle et malheureuse Gabrielle m’a fait bâiller, de façon que j’ai eu toute la peine du monde à me résoudre d’assister à son enterrement. M. de Belloy accompagne ses pièces de préfaces et de notes historiques qui sont remplies de cette suffisance d’un esprit médiocre et de cet ennui qui vous mine insensiblement : c’est un marchand de poison lent, lequel n’opère que par nausées et à force de redoubler les doses. C’est de la préface de Gaston et Bayard que M. Turgot, intendant de Limoges, a dit qu’elle était remplie de patriotisme d’antichambre. Mais je crois M. de Belloy