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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 8.djvu/500

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seurs. Un traducteur qui ne se pique pas de rendre littéralement, exactement, le sens, la manière, le ton d’un auteur, ne remplit pas ses devoirs. Le rôle de traducteur est un rôle subalterne ; l’éloge d’un bon domestique, c’est d’être exact et fidèle ; si vous ne vous en contentez pas, ne vous faites ni valet ni traducteur. Que diriez-vous d’un graveur qui, au lieu de rendre fidèlement l’original qu’il a entrepris de copier, se contenterait de rendre quelques figures principales et de désigner les autres par quelques descriptions ébauchées ? Celui qui ne connaît Shakespeare que d’après les traductions de M. de La Place peut être sûr de n’en avoir aucune idée ; il en est de même des pièces que M. Linguet vient de traduire en espagnol. Sa traduction est une simple ébauche qui donne bien quelque idée de l’intrigue et de la conduite des pièces espagnoles, mais qui ne vous fait connaître ni le ton, ni la couleur, ni la forme d’aucun de leurs auteurs ; il ne fallait rien supprimer, rien adoucir, rien changer, rien rapprocher de notre goût. En vain M. Linguet dit-il que les expressions, les manières de parler espagnoles auraient paru trop étrangères à des oreilles françaises : quand je lis un auteur étranger, je ne compte pas y trouver le goût français, et je cherche à apprendre quel est le goût de la nation dont j’étudie les auteurs. En général, ce n’est pas la peine de traduire un auteur si vous ne voulez pas faire de votre mieux pour m’en faire connaître tous les traits et ses défauts comme ses beautés. Mais si ses défauts l’emportent sur ses beautés ? Alors il ne faut pas le traduire du tout, soit que les défauts soient trop nombreux, soit que les beautés n’aient pas un caractère assez précieux pour contrebalancer le nombre des défauts. Il faut cependant lire le Théâtre espagnol de M. Linguet tel qu’il est. Les principaux auteurs des pièces qu’il a traduites sont Lope de Vega, Calderon, don Juan de Matos, Fragoso, noms qui ne sont pas sans gloire dans l’Europe littéraire. On trouve dans leurs pièces un grand fond d’imagination, et des caractères qui intéressent par leur naïve vérité.

Naufrage et Aventures de M. Pierre Viaud, natif de Bordeaux, capitaine de navire. Brochure in-12 de trois cent quarante pages. On aime à voir l’homme dans une situation désespérée et réduit aux dernières extrémités, c’est-à-dire dans les romans, dans les pièces de théâtre ou dans les récits. Voilà pour-