Aller au contenu

Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 8.djvu/514

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dit que sa nouvelle édition est augmentée de plusieurs notes d’infamie ; parce qu’on dit un service de porcelaine, l’auteur dit que dès que le convoi fut arrivé à l’église, le père Messe commença le service de porcelaine. Toute la brochure est écrite dans ce bon goût. Qu’un mousquetaire s’amuse à faire des platitudes si misérables et à les imprimer, le mal assurément n’est pas grand ; il vaut encore mieux pour lui d’augmenter ses pauvretés de notes d’infamie que courir les lieux d’infamie et d’y attraper du mal. Mais que cette insipide et exécrable rapsodie ait fait dans le public plus de sensation qu’aucun des ouvrages publiés dans le cours de l’hiver, qu’on en ait fait plusieurs éditions en très-peu de semaines, et que, pendant plus de quinze jours, on n’ait parlé que de la comtesse Tation, voilà une note d’infamie qui tombe directement sur le public, et dont il ne se relèvera pas de sitôt dans mon esprit.

Le nouveau Russe à Paris ; Épître à madame Reich par M. de Tcherebatof ; feuille de dix-sept pages en vers et en prose. Il est d’abord infiniment adroit de rappeler, par son titre, une des plus jolies pièces que le patriarche de Ferney ait faites pour le châtiment de Pompignan et de Palissot : c’est inviter le public à voir et à comparer. Le nouveau Russe à Paris nous apprend que Mme Reich a joué en Russie un des rôles les plus brillants. Comme, en sa qualité de poëte, il a la facilité de se retracer le passé autant que d’imaginer l’avenir, il se rappelle l’admiration dont les qualités morales de Mme Reich ont été payées à Riga, à Pétersbourg, à Moscou ; il revoit l’impératrice Élisabeth, trois jours avant sa mort, se promettant d’entendre chanter, près d’elle, à Mme Reich, les airs charmants de Ninette à la cour. Il arrive à Paris, il demande des nouvelles de Mme Reich, personne ne la connaît ; il en est aussi indigné que cet Anglais à qui les commis de la barrière ne purent enseigner la demeure de Fontenelle. Il apprend enfin qu’elle a été en prison pour dettes, qu’elle a débuté au Concert spirituel… Il va à l’Opéra, il voit Mme Reich descendre dans une gloire enluminée, accompagnée d’un oiseau de nuit. Son cœur se crispe. Il va souper en ville, entre un financier, un jeune militaire et un philosophe. Les deux premiers jettent feu et flamme contre Mme Reich : c’est une bégueule de vertu que ni les agréments, ni l’argent, ne sauraient séduire. Quel exemple pernicieux pour l’Opéra ! Le philosophe