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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 9.djvu/110

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près Réaumur. Patte fut obligé d’insérer dans les feuilles de Fréron une lettre par laquelle il déclarait qu’il avait menti au public. Personne ne se souvient aujourd’hui de ce procès ni de l’amende honorable de M. Patte ; dans quelque temps, il en sera de même du procès de la coupole. L’église de Sainte-Geneviève immortalisera M. Soufflot, soit qu’il en fasse un chef-d’œuvre de l’art, soit qu’il y échoue entièrement ; mais personne ne saura quel a été l’avis de M. Patte sur cet édifice, comme personne ne sait s’il est avoué menteur ou non sur les planches de l’Encyclopédie.


AOÛT[1].

15 août 1770.

La Satire ou l’Homme peu dangereux, de Palissot, n’ayant pas obtenu l’agrément de la police pour être jouée, les Comédiens français ont demandé bien vite à M. Lemierre une tragédie qu’il leur avait lue quelque temps auparavant ; et, espérant tout de son succès, ils se sont dépêchés de la mettre sur la scène. Cette tragédie, intitulée la Veuve du Malabar, a eu sa première représentation le 30 du mois dernier ; et, après avoir paru six fois devant un auditoire peu nombreux, elle est déjà aujourd’hui au nombre des pièces oubliées.

Le poëte a voulu attaquer par sa tragédie l’usage étrange et barbare qui ordonne aux veuves du Malabar et des autres contrées de l’Asie où la religion de Brama est en vigueur de se jeter dans le bûcher consacré aux funérailles de leurs époux. M. Lemierre a remarqué que chaque tragédie de M. de Voltaire avait quelque but philosophique : il a voulu l’imiter en cela ; le but qu’il s’est proposé est grand, il ne lui a manqué que la force d’y atteindre. La pièce n’a d’autre fondement historique que la coutume qui fait aux veuves un devoir de ne pas survivre à leurs époux, et de se brûler sur leurs cendres ; toute la fable est d’ailleurs de l’imagination du poëte, suivant l’usage qui s’est intro-

  1. La première quinzaine d’août manque dans les précédentes éditions et dans le manuscrit de Gotha. Le voyage de Grimm à Bourbonne en compagnie de Diderot, à la fin de juillet 1770, est sans doute la cause de ce desideratum.