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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 9.djvu/115

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Qui n’avait jamais vu l’un ni l’autre visage ;
Mais convenez aussi qu’au plan, à la chaleur,
Aux traits d’humanité répandus dans l’ouvrage,
On n’a pas reconnu La Harpe ni son cœur. »

— On a fait pour M. Pâris-Duverney, qui vient de mourir, l’épitaphe suivante :


Ci-gît ce citoyen utile et respectable
Dont le souverain bien était de dominer ;
Que Dieu lui donne enfin le repos désirable,
Qu’il ne voulut jamais ni prendre, ni donner.

M. Duverney est le dernier des trois frères Pâris, qui, de l’état le plus obscur, se sont élevés à une fortune éclatante. L’aîné est mort depuis longtemps. M. de Montmartel, le cadet, l’a suivi il y a quelques années ; Duverney était, je crois, le second des trois frères[1]. Il fut mis à la Bastille sous le ministère de M. le Duc, si je ne me trompe. Il eut par la suite la direction générale des vivres des troupes du roi qu’il garda pendant toute la guerre de 1741, et qui lui valut une fortune immense. Il est aussi l’auteur de la grande fortune de M. de Voltaire, à qui il donna un intérêt dans les vivres pendant cette guerre ; il en résulta des sommes considérables, et le bienfaiteur fut souvent cité comme un homme d’État dans les ouvrages de son obligé. C’est assez notre usage de regarder nos directeurs de vivres comme les hommes les plus essentiels aux opérations d’une campagne, et comme les citoyens les plus respectables. Tout ce qu’il y a de plus sûr, c’est que ces citoyens désintéressés acquièrent des richesses immenses au service de l’État, à qui ils coûtent bien cher. M. de Montmartel faisait la banque pour le roi, tandis que son frère présidait à la direction des vivres, et jouissait dans le commerce d’un crédit sans bornes et d’une très-haute considération. C’est que ses frères avaient le bon esprit d’enrichir presque tous ceux qui les servaient avec quelque zèle ; il y a une infinité de maisons de banque en Europe qui doivent leur fortune à Montmartel ; cela fait des partisans. Son

  1. Voir l’Histoire de MM. Pâris, ouvrage dans lequel on montre comment un royaume peut passer, dans l’espace de cinq années, de l’état le plus déplorable à l’état le plus florissant ; par M. de L*** (de Luchet), ancien officier de cavalerie, 1776, in-8°.