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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 9.djvu/120

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dique, appelé communément le Journal de Verdun, mais aussi peu connu à Paris, où il est composé, que l’auteur qui le compose.

— Je me souviens d’avoir été singulièrement émerveillé dans mon enfance par le noble jeu appelé schattenspiel en allemand, représenté par des comédiens ambulants avec beaucoup de succès. On met à la place de la toile du théâtre des papiers huilés bien tendus, ou bien une toile blanche bien tendue. À sept ou huit pieds en arrière de cette tenture on pose sur le théâtre une chandelle ; en plaçant les acteurs entre cette chandelle et la toile tendue, la lumière qu’ils ont derrière eux projette leurs ombres sur cette toile tendue ou sur le transparent de papier, et les montre aux spectateurs avec tous leurs mouvements et gestes. Après l’Opéra français, je ne connais point de spectacle plus intéressant pour les enfants ; il se prête même aux enchantements, au merveilleux et aux catastrophes les plus terribles. Si vous voulez, par exemple, que le diable emporte quelqu’un, l’acteur qui fait le diable n’a qu’à sauter avec sa proie par-dessus la chandelle en arrière, et, sur la toile, il aura l’air de s’envoler avec lui par les airs. Ce beau genre vient d’être inventé en France, où l’on en a fait un amusement de société aussi spirituel que noble ; mais je crains qu’il ne soit étouffé dans sa naissance par la fureur de jouer des proverbes. On vient d’imprimer l’Heureuse Pêche, comédie pour les ombres, à scènes changeantes : le titre nous apprend que cette pièce a été représentée en société vers la fin de l’année 1767, c’est l’époque de l’invention du genre en France. Il faut espérer que nous aurons bientôt un théâtre complet de pareilles pièces.

Voyage à Ceylan, ou les Philosophes voyageurs, ouvrage publié par Henriquès Pangrapho, maître ès arts en l’Université de Salamanque[1] ; deux parties in-12. On y trouve entre autres l’éloge de M. Helvétius, sous le nom d’Helvidius, et la satire de M. Pelletier, aussi ancien fermier général, sous le nom de Fercœur. Ce M. Pelletier voyait les beaux esprits : cela ne l’a pas empêché de devenir imbécile ; et le bel esprit, auteur de ce mauvais roman, a oublié que les fous sont sacrés, et qu’il n’est pas permis de les insulter. Le fermier général Pelletier passait,

  1. Par de Turpin.