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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 9.djvu/121

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à la vérité, pour très-dur dans l’exercice de sa place, et il conservait dans le monde un air assez rustre. Il rassemblait chez lui, certains jours de la semaine, Crébillon le fils, Collé, Saurin, Duclos, Bernard, Marmontel, Suard, etc. On était convenu de se dire réciproquement toutes ses vérités ; à chaque séance on choisissait ordinairement un d’entre les convives qui était déclaré le malade, c’est-à-dire celui contre lequel tous les autres se réunissaient, et qui était obligé de faire face à tout le monde. Vous jugez aisément combien ce commerce devait être agréable, poli et honnête, et avec quels sentiments on se quittait après avoir lâché ou reçu ces bordées au milieu d’une troupe échauffée par le vin et le bruit de la table ; on appelait cela de l’esprit dans ce temps-là, et c’est ce qu’on voudrait nous faire regretter, en disant qu’il n’y a plus de gaieté aujourd’hui, et que la triste raison a tout envahi. Si la gaieté ne pouvait se trouver dans un cercle sans y admettre la crapule, la plaisanterie mordante et amère, la dureté de mœurs et de manières, je renoncerais à la gaieté ; heureusement elle nous est restée, quoique le ton et la tournure de ces messieurs aient perdu leur vogue. Les uns en sont devenus chagrins et se sont retirés du monde, les autres ont cherché à se plier à des manières plus aimables ; tous, à l’exception de Bernard et de Suard peut-être, ont conservé une certaine dureté qui rappelle l’école où ils se sont formés.


SEPTEMBRE.
1er septembre 1770.

Le bras spirituel et le bras séculier, c’est-à-dire l’assemblée du clergé et du Parlement, qui ne sont pas toujours d’accord ensemble, se sont réunis, dans leurs efforts, pour arrêter le torrent des livres qui paraissent de jour en jour contre la religion chrétienne, et dont le nombre et la hardiesse s’accroissent d’une manière à effrayer ses ayants cause. Avant l’ouverture de l’assemblée du clergé, le pape, qui n’a pas encore pu arranger ses petites tracasseries avec les princes de la maison de Bourbon, a écrit au chef de cette maison, au fils aîné de l’Église, au roi très-chrétien,