Aller au contenu

Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 9.djvu/122

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une lettre excitatoire pour le conjurer, par les entrailles de Jésus-Christ, de préserver son royaume de la pernicieuse indondation de ces livres. L’assemblée du clergé, à son ouverture au mois de mars dernier, est venue à l’appui de la démarche pontificale qu’elle avait sans doute sollicitée à Rome, et a porté au pied du trône un Mémoire sur les suites funestes de la liberté de penser et d’imprimer. Elle n’a pas borné son zèle à ces précautions : étant sur le point de se séparer, elle vient de publier un Avertissement au clergé de France assemblé à Paris par permission du roi, aux fidèles du royaume, sur les dangers de l’incrédulité. Elle a envoyé cet Avertissement dans tous les diocèses avec une lettre circulaire adressée aux archevêques et évêques du clergé de France. Le gouvernement, en reconnaissance des seize millions de don gratuit accordé par l’assemblée du clergé, a recommandé au zèle du Parlement de sévir contre les livres impies, en la manière et en la forme accoutumées. Le Parlement en conséquence du vœu du gouvernement et du clergé et sur le réquisitoire de l’avocat général, a fait, le 18 du mois dernier, les frais d’un fagot, au bas de l’escalier du Mai, pour y faire brûler par le bourreau quelques rôles de procureurs représentant sept ouvrages des plus déplaisants au clergé : car ne croyez pas que M. l’exécuteur des hautes œuvres ait la permission de jeter au feu les livres dont les titres figurent dans l’arrêt de la cour ; Messieurs seraient très fâchés de priver leur bibliothèque d’un exemplaire de chacun de ces ouvrages qui leur revient de droit, et le greffier y supplée par quelques malheureux rôles de chicane dont la provision ne lui manque pas.

Dans le fait, le roi pouvait faire répondre, et à la lettre du pape, et aux représentations de son clergé, que la publication de ces livres est chose étrangère à son royaume ; qu’il ne peut empêcher qu’on n’imprime en Hollande, et ailleurs, des livres écrits en langue française ; que si l’on peut reconnaître la grandeur d’une passion à l’énormité des sacrifices qu’on lui fait, aucun monarque en Europe ne peut comparer sa passion pour la religion à celle de Sa Majesté très-chrétienne ; que non-seulement elle permet que le tiers des biens de son royaume soit possédé par le clergé, et, à ce titre, soustrait à son autorité et aux impositions royales, mais qu’elle se contente, dans les besoins les plus urgents de l’État, d’un don gratuit qu’elle daigne