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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 9.djvu/123

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négocier avec l’assemblée du clergé, et que celui-ci ne lève pas sur ses biens, mais sur les sujets du roi, par forme d’emprunt ; qu’indépendamment de cette étonnante constitution, la police dépense annuellement, par ordre exprès et immédiat de Sa Majesté, plusieurs millions, de ceux qu’on lève avec tant de peine sur des peuples épuisés par le travail et par les impôts, pour empêcher le débit des livres qui donnent du souci aux prêtres : de sorte que les amateurs de ce poison, si commun en pays étranger, ne peuvent se le procurer en France qu’au poids de l’or et avec les plus grandes difficultés. Dans un siècle aussi familier que le nôtre avec les calculs politiques, on pourrait évaluer, à un denier près, le déficit que tant de millions, dépensés pour la splendeur et le maintien de la religion, occasionnent dans les dépenses nécessaires à la splendeur et à la prospérité de la monarchie.

Il faut dire ici un mot des deux foudres que le bras spirituel et le bras séculier viennent de lancer. Comme ils n’emploient jusqu’à présent que la plume, personne n’est en droit de se plaindre ; l’écrivain s’oppose à l’écrivain ; de grands arguments sont détruits par de grands mots, tout se fait de bonne guerre. Les écrits émanés d’une autorité publique sont quelquefois ennuyeux à lire, mais précieux à conserver, parce qu’ils marquent l’esprit du temps et qu’ils font époque. On ne défend point la religion en France comme en Bavière, à Lisbonne comme à Rome, en 1770 comme en 1570 ou en 1670 ; un observateur judicieux tirera une infinité de lumières importantes de la manière diverse dont ces écrits sont conçus. Commençons par la procédure du bras séculier, et faisons marcher la puissance spirituelle à la queue de la procession, suivant son droit et sa coutume.

À la publication de l’arrêt du Parlement qui condamne au feu sept ouvrages y désignés, on fut surpris de n’y pas lire le réquisitoire de l’avocat général sur lequel l’arrêt a été rendu. C’est un usage constamment observé d’insérer dans l’arrêt le réquisitoire mot pour mot, et c’est la charge du premier avocat général du roi de prononcer ce réquisitoire en la cour, toutes les chambres assemblées. Depuis que le célèbre maître Omer Joly de Fleury a changé son bonnet d’avocat général en mortier de président, et renoncé à la gloire de donner des frères à ces fameux