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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 9.djvu/127

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tance et de la dignité de ses fonctions. Je lui souhaite autant de sagesse de mœurs et même de probité (car un magistrat n’en saurait jamais trop avoir) qu’en possèdent la plupart de ceux qu’il paraît avoir en vue dans son chef-d’œuvre d’écolier, et puisqu’il a compté sur le soleil d’automne pour se mûrir l’esprit, je prie le ciel de lui accorder du moins des jours sereins, afin que les rayons affaiblis de l’astre bienfaisant lui procurent cette maturité désirable avant le commencement de son hiver.

— Le Système de la nature[1] n’a pas seulement excité le zèle du clergé et du Parlement deux athlètes plus redoutables ont cru devoir s’élever contre ce livre ; le patriarche de Ferney a écrit une feuille de vingt-six pages à cette occasion, et l’on dit que le roi de Prusse a aussi daigné s’occuper de cet ouvrage. La feuille du patriarche est intitulée Dieu ; réponse au Système de la nature, section 2[2]. Cette feuille sera insérée, comme article, dans les Questions sur l’Encyclopédie, auxquelles le patriarche travaille depuis environ un an, et qui formeront plusieurs volumes in-8°, dont il se propose de publier les trois premiers avant le commencement de l’hiver. Le patriarche ne veut pas se départir de son rémunérateur vengeur ; il le croit nécessaire au bon ordre. Il veut bien qu’on détruise le dieu des fripons et des superstitieux, mais il veut qu’on épargne celui des honnêtes gens et des sages. Il raisonne là-dessus comme

  1. Le Système de la nature, ou des Lois du monde physique et du monde moral, par M. de Mirabaud, secrétaire perpétuel, l’un des Quarante de l’Académie française, Londres (Amsterdam, Rey), 1770, 2 vol.  in-8°.

    Il est avéré aujourd’hui que le baron d’Holbach est le principal auteur du Système de la nature, et qu’il n’a mis au frontispice le nom de Mirabaud que pour éloigner de lui et de ses amis les soupçons qu’on aurait pu former. Naigeon soutenait que le baron d’Holbach était le seul auteur de cette fameuse production, et que Diderot n’y avait eu aucune part. Il est difficile de concilier cette assertion avec la notice des principaux traits de la vie de Diderot, contenue dans le 26° volume des Mémoires secrets, dits de Bachaumont : « Le Système de la nature, qui lui est assez généralement attribué, est-il dit dans ces Mémoires, lui donna beaucoup d’inquiétudes. Lors de son explosion, il se tint à Langres, et avait des émissaires à Paris qui l’instruisaient de ce qui se passait. Au moindre mouvement contre lui, il était disposé à glisser en pays étranger. » (B.) — Diderot avait probablement revu le manuscrit de d’Holbach ; mais sa part de collaboration n’a jamais été déterminée. Quant à la frayeur du philosophe et à sa fuite lors de la publication du livre, nous avons dit ce que nous en pensons dans la notice préliminaire du Voyage de Bourbonne, tome XVII, p. 329 des Œuvres complètes.

  2. Formant aujourd’hui une des sections de l’article Dieu du Dictionnaire philosophique.